Les six eurodéputés nationaux ont chacun commenté l’issue du référendum britannique. Si certains ont exprimé un certain fatalisme et regretté le Brexit, d’autres n’ont pas été avares de critiques. Les interprétations du divorce entre Royaume-Uni et Union européenne ne sont pas toutes forcément allées dans le même sens.
Viviane Reding : «Ce divorce ne sera pas évident»
« Il s’agit d’une décision claire et souveraine, émanant d’un État autonome. Ce sont les Britanniques qui se sont prononcés, pas les Européens », a d’emblée insisté l’eurodéputée démocrate-chrétienne (CSV/Parti populaire européen). « Mieux vaut un bon divorce qu’un mauvais mariage », a-t-elle renchéri, avant, toutefois, de prévenir, que « ce divorce ne sera pas évident, car impliquant une longue et complexe procédure. Il y aura notamment des centaines de règlements à « détricoter », ce qui représente une immense charge de travail. »
Car pour que le Royaume-Uni quitte effectivement l’UE, il doit formellement annoncer cette intention lors d’un Conseil européen, comme le dispose l’article 50 du traité de Lisbonne (lire également en page 4) . Cela dit, Viviane Reding a également évoqué une fracture au niveau des partis politiques et de la population britannique. Au niveau du Parti populaire européen (PPE), on estime, de manière générale, qu’il faut trouver des solutions « pour l’Europe dans sa globalité, en matière de politique d’immigration, par exemple ». Pour débattre de toutes ces questions, une session plénière extraordinaire se tiendra mardi, au Parlement européen.
Charles Goerens : «Fini les multiples blocages britanniques»
L’eurodéputé libéral et démocrate (DP/Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe) a évoqué quant à lui une remise en question de l’UE et mis en avant la nécessité de se pencher sur une nouvelle Europe à 27, « qui pourra fonctionner sans les multiples blocages britanniques », qui ont irrité plus d’un État membre depuis l’adhésion du Royaume-Uni à l’ancienne CEE, il y a 43 ans (1973), sous le Premier ministre Edward Heath. L’eurodéputé libéral s’est également interrogé sur la nature de la future relation qu’entretiendront l’UE et le Royaume-Uni et qualifié de « très complexe » le fait que le Royaume-Uni puisse avoir encore un pouvoir de décision au sein de l’UE, pendant une période qui reste encore à définir. Enfin, Charles Goerens a estimé que les partis dits «traditionnels», à l’image des Partis travailliste et conservateur, allaient également devoir se remettre en question.
Claude Turmes : «Dehors, c’est dehors!»
Pour l’écologiste (déi gréng/Verts-Alliance libre européenne), la décision du peuple britannique doit être perçue sans équivoque : « Dehors, c’est dehors », s’est-il exclamé. Dans ce cadre, l’eurodéputé estime que « le Royaume-Uni ne fait plus partie du club » et ne pourra de surcroît assurer la présidence du Conseil de l’UE, l’année prochaine (NDLR : au 2 e semestre de 2017) comme prévu par l’agenda.
Par ailleurs, Claude Turmes a analysé le résultat référendaire au prisme de la politique intérieure du Royaume-Uni : le rejet de l’UE peut aussi être interprété comme un rejet du Premier ministre britannique démissionnaire, David Cameron. L’eurodéputé a évoqué le fait que le vote a basculé en fonction du niveau d’instruction des Britanniques amenés à se prononcer et mis en exergue la question écossaise. L’écologiste a également parlé d’« une fracture au sein de l’UE , conséquence de la crise économique et de la peur des Britanniques, dans un monde globalisé qui bouge à vitesse grand V ».
Avant, pour Claude Turmes de mettre en avant les inégalités dans la répartition des richesses et de constater que certains partis traditionnels, tels que les formations sociaux-démocrates, étaient « en chute libre ». La jonction avec la rhétorique des partis populistes, à l’instar de l’UKIP, coulait de source. Claude Turmes a, ainsi, souligné que ces partis réclament «la reprise du contrôle (« back in control ») des politiques, notamment d’immigration voire climatiques.
« Ces partis croient qu’ils sont en train de perdre le contrôle », a analysé Claude Turmes, qui a également illustré cette tendance par la supposée perte de contrôle pointée par les populistes à propos des traités de libre-échange CETA (entre UE et Canada) et TTIP (entre UE et États-Unis). De plus, a déploré l’eurodéputé, ce sentiment de perte de contrôle est également à trouver au niveau des politiques sociales, « celles-ci s’avérant souvent nationales et non communautaires ».
Mady Delvaux : «La fin du Royaume-Uni?»
L’eurodéputée socialiste (LSAP/Alliance progressiste des socialistes et démocrates), elle, s’est, pour sa part, dite « déçue, triste et soucieuse ». «Déçue», car elle ne voulait pas croire à ce scénario. «Triste», en raison de la bassesse du niveau du débat politique durant la campagne référendaire : « Il y a eu tant de manifestations de haine et de violence, avec l’assassinat de la députée travailliste Jo Cox .» Bref, l’ancienne ministre de l’Éducation nationale a déploré le fait que l’on ne soit pas parvenu à parler positivement du projet européen.
Enfin, Mady Delvaux s’est dite « soucieuse pour l’avenir », notamment au sujet du « débat très complexe sur la crise migratoire et sur le terrorisme ». Profondément marquée, l’eurodéputée s’est ensuite interrogée sur les relations futures qu’entretiendra l’UE avec le Royaume-Uni, avant de se demander s’il ne s’agissait pas, carrément, de « la fin du Royaume-Uni . Je ne suis en aucun cas optimiste », a-t-elle conclu, en faisant notamment allusion aux voix europhiles écossaises.
Frank Engel : «Absolument pas étonné»
Même son de cloche au sujet de l’Écosse, du côté du député CSV, qui évolue dans le groupe du Parti populaire européen. Selon lui, elle « a envoyé un message clair ». Dans le même sens, l’eurodéputé a également évoqué le vote nord-irlandais, avant de se dire « absolument pas étonné » de l’issue du référendum. « Certains Britanniques mènent une campagne antieuropéenne depuis des années », a-t-il jugé. Un euroscepticisme qui ne pouvait que déboucher sur une sortie du Royaume-Uni, selon lui. « Le gouvernement britannique a fait preuve de mauvaise gouvernance », a-t-il encore critiqué, avant d’enfoncer encore un peu plus le clou : « Le Royaume-Uni a-t-il à aucun moment mérité son adhésion, à la lumière de toutes les prises de position qui ont freiné l’UE et ce, durant des décennies? »
Georges Bach : «De nouvelles opportunités»
Le sixième eurodéputé luxembourgeois, Georges Bach (CSV/Parti populaire européen), a, pour sa part, mis en exergue « u n mauvais signal qui plus est symbolique ». Le chrétien-social a rappelé que le deal proposé à l’UE par le Royaume-Uni en février dernier, notamment au niveau des prestations sociales qu’il revendiquait pouvoir gérer à la carte, avait déjà était froidement accueilli au Parlement européen.
Cela étant, Georges Bach a estimé qu’il fallait respecter l’issue du référendum, qu’il met sur le compte de « l’énorme peur des Britanniques ». Puis ce dernier d’inviter les Européens à ne pas se focaliser sur le côté obscur du résultat et à s’imaginer « l es opportunités d’une future Union à 27 sans les freins britanniques au Conseil européen ». Par ailleurs, Georges Bach a appelé à un nouveau projet européen qui « r estaure la confiance des citoyens » . Nostalgique, l’eurodéputé a, enfin, regretté la génération Helmut Kohl-François Mitterrand.
La suite? Les eurodéputés se réuniront mardi en plénière, mais une réunion est déjà fixée à lundi. « Qui a dit qu’il n’y avait pas de plan B? », s’est indignée Viviane Reding. « L e plan B est déjà prêt et il sera mis sur la table ce lundi » , a-t-elle assuré.
Claude Damiani