Le gouvernement colombien et la guérilla des Farc signent jeudi à La Havane un accord historique sur un cessez-le feu définitif, ouvrant enfin la porte à la résolution d’un conflit qui a ravagé le pays pendant plus d’un demi-siècle.
« Un rêve commence à devenir réalité », a tweeté le président colombien Juan Manuel Santos, avant d’embarquer vers Cuba pour « faire taire les fusils à jamais ».
Devant plusieurs chefs d’Etat et le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, le président colombien et le chef suprême des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) Timoleon Jimenez doivent signer à 12h30 locales (18h30 au Luxembourg) un document sans précédent sur les conditions d’une future cessation définitive des hostilités.
Cette étape décisive permet enfin d’envisager dans de brefs délais la fin du plus vieux conflit d’Amérique latine, qui a fait depuis 52 ans au moins 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
Cet accord, révélé mercredi par les négociateurs en pourparlers depuis trois ans et demi à Cuba, constituait le dernier point épineux en suspens.
Le texte définit à la fois les modalités de « l’abandon des armes, des garanties de sécurité (pour la rébellion) et de la lutte contre les organisations criminelles », ont indiqué mercredi les négociateurs.
Ces derniers n’ont toutefois pas avancé de date pour l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, tandis que sur le terrain les accrochages armés se raréfient ces derniers mois, notamment à la faveur d’une cessation unilatérale des hostilités observée par la rébellion depuis juillet 2015 en marge des pourparlers.
« Le plus probable est que le début du cessez-le feu bilatéral coïncide avec la signature finale des accords », estime Jorge Restrepo, directeur du Centre d’études, de recherches et d’analyse des conflits (Cerac).
En début de semaine, M. Santos avait estimé que le dialogue de paix pourrait parvenir à sa conclusion le 20 juillet – fête nationale en Colombie -, date à laquelle l’exécutif et la guérilla ont prévu de se réunir.
C’est un « pas gigantesque », puisque « la paix en Colombie signifie (…) la paix dans toute la région », s’est réjoui à son arrivée à La Havane le président vénézuélien Nicolas Maduro, dont le pays soutient le processus de paix.
Le commandant des Farc s’est voulu plus prudent, avertissant dans un tweet que la paix ne serait possible que si les négociateurs du gouvernement « ne profitent pas des dernières minutes pour (tenter) d’obtenir ce qu’ils n’ont pas pu obtenir depuis quatre ans ».
Il a en outre rappelé que « l’entrée en vigueur de cet accord reste à définir ».
Un fois signé cet accord, le dernier point en suspens concerne le mécanisme de ratification de l’accord de paix final.
Le président Santos souhaite un référendum tandis que les Farc, après avoir longtemps exigé une Assemblée constituante, se sont récemment déclarées ouvertes à une consultation populaire, permettant d’envisager une résolution prochaine de cet ultime volet.
Lors de cette cérémonie de signature à La Havane, rébellion et gouvernement doivent notamment lever le voile sur les modalités de la démobilisation des Farc, dont les quelque 7.000 combattants devraient être placés dans des zones de concentration.
Il est déjà prévu que leur désarmement se déroule sous la surveillance d’une mission des Nations unies.
Mais si cette paix est conclue avec les Farc, cela ne signifiera pas pour autant la fin du conflit en Colombie, où la seconde guérilla du pays, l’ELN, et les bandes criminelles principalement issues d’anciens groupes paramilitaires continuent de défier le gouvernement.
« Je crois que l’activité de l’ELN, avant tout, et des BaCrim (bandes criminelles, ndlr) fait que l’on ne peut pas encore parler de la fin complète du conflit armé. Il s’agira de la fin du principal conflit armé en Colombie, mais pas de tout », estime l’analyste de l’International Crisis Group pour la Colombie, Kyle Johnson.
L’espoir est toutefois permis avec cette avancée décisive conjuguée à l’annonce, en mars, du lancement prochain de pourparlers de paix entre Bogota et l’ELN après plus de deux ans de conversations préliminaires confidentielles.
Dans le cadre des pourparlers ouverts en novembre 2012 avec les Farc, le volet « fin de conflit » constitue le cinquième des six points du calendrier à avoir fait l’objet d’un accord.
Parmi eux figurent également la réforme agraire, le trafic de drogue, les réparations aux victimes (qui inclut la justice s’appliquant aux ex-belligérants) et la participation politique des guérilleros démobilisés.
Le Quotidien / AFP