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Esch-sur-Alzette : ils veulent sauver l’Ariston


L'Ariston, ouvert depuis 1962, reste pour l'instant fermé. Adolf El Assal pense que le cinéma peut revivre. La balle est dans le camp des élus eschois. (Photos Tania Feller et Hubert Gamelon)

Adolf El Assal est à la tête du mouvement «Sauvons le cinéma Ariston». Il explique pourquoi il faut sauver la mythique salle eschoise.

Cinq cents personnes ont adhéré au groupe Facebook. Plus de 500 personnes ont également signé la pétition accueillie sur change.org.

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La reprise de l’Ariston déchaîne les passions. Des centaines de signatures figurent sur la pétition pour le sauver, sans compter Facebook… Où en est-on ?

Adolf El Assal, cinéaste luxembourgeois : La réaction du public nous a surpris aussi. Nous avons d’abord créé le groupe Facebook «Sauvons le ciné Ariston» avec le photographe Paulo Lobo. C’était peu après la fermeture de la salle (NDLR : en janvier dernier) Puis, vu la nostalgie, nous avons lancé la pétition. J’attends toujours un rendez-vous avec les responsables culturels de la commune eschoise. Certains élus ont signé la pétition, des avocats, des artistes comme des gens du quartier du Brill… il y a vraiment quelque chose à faire avec cette structure.

Oui, mais quoi ? Les cinémas de quartier, c’est comme les fleuristes. Tout le monde les aime, mais peu de gens y vont…

Il y a plein de beaux projets à mener ! L’erreur serait de vouloir concurrencer les multiplexes. La bonne voie serait de laisser place à un cinéma populaire, au sens où chacun peut y entrer sans appartenance à un cercle élitiste. Quand j’ai sorti Les Gars, en 2013, un film réalisé avec des acteurs des quartiers, personne ne voulait me diffuser en France. Je suis passé par le circuit alternatif « I Like Cinema » qui permet de réserver une salle si vous assurez la présence des spectateurs, via internet… J’ai rempli 77 salles partout en France ! Même AlloCiné a parlé de nous (sourire)…

Concrètement, quels sont les arguments pour sauver l’Ariston ?

Je pense qu’un multiplexe comme Belval n’a jamais connu la notoriété à cause de son placement : il est trop loin pour beaucoup de gens. Aller au cinéma, ce n’est pas forcément prendre sa voiture et se bloquer toute la soirée. Ça peut être marcher cinq minutes parce qu’on pense tomber sur un bon film. L’Ariston se situe en plein cœur de ville, près d’un théâtre, dans un quartier vivant avec son école, sa maison des jeunes, son ambiance populaire. Si le cinéma survit (NDLR : le bâtiment est pour le moment entre les mains de l’Église, après avoir été loué par la société des films Caramba), il devra séduire ces publics.

Pourtant, il existait jusqu’en janvier et il ne « marchait » pas.

Sur Facebook, beaucoup de gens nous ont écrit : « Oh, il ferme ? Je ne savais même pas qu’il existait encore. » Il faudra lui donner de la visibilité, avec des ateliers de création cinématographique, des diffusions de films locaux, du documentaire, de l’accueil de cinéaste… Six cents films ont été tournés au Luxembourg ces 25 dernières années, combien ont eu une visibilité ?

Convaincre le public avec une certaine exigence dans la démarche artistique : un vrai défi, non ?

Moi je crois que les gens en ont marre qu’on leur serve toujours la même chose. (Sirvan Marogy, un collègue du cinéaste, prend la parole) Tu vas au cinéma aujourd’hui, tu vois exactement ce que tu as déjà vu cinq fois en deux ans. C’est le même burger, les mêmes ingrédients : seule la sauce change un peu. Il faut donner le goût d’autre chose, il faut expliquer aux gens qu’ils doivent se forcer un peu à découvrir autre chose.

En lui-même, et c’est un argument pour vous, le cinéma est presque neuf. Ça serait du gâchis de le changer en appartements ?

Oui, mais l’immobilier pèse lourd ici (sourire). La salle a effectivement été refaite récemment. Ça compte beaucoup, de pouvoir dire aux gens : « Venez au cinéma, venez apprécier l’image et le son dans un environnement dédié au 7e art. » Le cinéma, ce sont des métiers, des preneurs de son, des cadreurs, des responsables des décors… J’adore mon iPhone, mais ça n’a pas de sens de regarder des films sur son portable. Ou de regarder un film à la télé en zappant en permanence sur son portable, non ?

Entretien avec Hubert Gamelon