Mercredi dernier, un heureux évènement est venu illuminer la vie d’un jeune couple : la naissance d’une petite fille. Des larmes de joie et un premier sourire dont ont eu la primeur sa famille, bien sûr, et des amis. En tout cas, les amis qui sont venus à la maternité, ou qui à défaut ont reçu une photo sur leur smartphone. Car les amis Facebook, bien que plus nombreux, ont été complètement ignorés. Pas un «post», «com», ou autre faire-part numérique écrit par les heureux parents. Rien.
«On ne veut pas en parler sur Facebook, cela ne regarde pas la terre entière» ont-ils répondu à ceux qui s’en étonnent. S’en offusquent même, pour certains. Car un tel boycotte détonne à une époque où partager sur les réseaux sociaux les premiers babillages, premiers pas et premiers jours à la crèche est devenu la norme. Tout comme il est difficile de reprocher aux gens de «liker» ces instants si attendrissants.
Pour nos deux parents «asociaux», par contre, le plus dur commence : préserver le plus longtemps possible l’identité numérique de leur nouveau-né. D’abord parce que, comme ils l’ont dit, cela ne regarde pas la terre entière : si Facebook est un réseau social bien pratique pour une foule de raisons, il nous conduit aussi à créer des «amitiés» avec des collègues, groupes de musique, connaissances de «night life» ou passionnés d’origami qui n’ont rien à savoir de notre vie familiale.
Ensuite parce que Facebook est avant tout une gigantesque plateforme publicitaire, qui se nourrit de nos informations sur le modèle «si c’est gratuit, tu es le produit». Laissons aux paquets de lessive la responsabilité de placer bébé en tête de gondole… D’ailleurs, bébé deviendra grand : qui dit qu’il appréciera, passé l’âge de raison, d’avoir vu toute son enfance gravée – et ce n’est pas une métaphore – dans le marbre numérique?
Oui, souhaitons bonne chance à nos jeunes parents. Le développement de la reconnaissance faciale, la multiplication des réseaux sociaux, la bourde d’un ami qui postera une photo du bébé sans leur accord… L’anonymat numérique devient une quête utopique. Combien de temps avant que la bouille de leur petite fille ne soit capturée dans la toile?
Romain Van Dyck