Les juges ont terminé leurs investigations dans l’enquête Bygmalion sur un système de fausses factures et des soupçons d’explosion du plafond des dépenses lors de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Une affaire dans laquelle l’ex-président risque un renvoi en correctionnelle.
La clôture de l’enquête a été notifiée lundi. Cette étape ouvre un délai durant lequel les parties peuvent demander de nouveaux actes d’enquête, avant les réquisitions du parquet de Paris puis la décision des juges d’instruction de renvoyer ou non les protagonistes au tribunal. Cadres de l’ex-UMP, responsables de la campagne présidentielle, dirigeants de la boîte de com’ Bygmalion et de sa filiale événementielle Event and Cie: quatorze personnes ont été mises en examen.
Parmi eux, le candidat lui-même, Nicolas Sarkozy, signataire d’un compte de campagne massivement sous-évalué aux yeux des enquêteurs, puisque les dépenses réelles ont été estimées à plus de 40 millions d’euros, contre un plafond fixé à 22,5 millions. Avec sa mise en examen pour corruption dans l’affaire des écoutes, l’ancien chef de l’Etat abordera donc bientôt la primaire pour la présidentielle de 2017 avec une double menace de renvoi en correctionnelle, même s’il semble hypothétique, vu les délais de procédure, qu’un éventuel procès ait lieu avant l’élection suprême.
« Je n’ai rien lu »
Pour le juge financier Serge Tournaire qui l’a mis en examen le 16 février, Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer un dérapage des comptes, au vu des alertes adressées par les experts-comptables de sa campagne les 7 mars et 26 avril 2012. « Il y a 46 cartons de factures. Fallait-il que je me plonge dans les 46 cartons? (…) La vérité, c’est que je n’ai rien lu », s’était défendu l’ex-candidat dans le bureau du juge.
Mais il a aussi réfuté toute explosion des dépenses et soulevé une autre hypothèse, celle de surfacturations au profit des patrons de Bygmalion, dont il n’a pas manqué de souligner la proximité avec Jean-François Copé. « Où est passé cet argent? », avait-il demandé. Une expertise financière a conclu que les tarifs pratiqués par Bygmalion n’étaient pas extravagants et ne permettent pas de supposer des surfacturations.
Peu avant la clôture de l’enquête, le parti Les Républicains (ex-UMP), présidé par Nicolas Sarkozy, a demandé une contre-expertise et de nouvelles investigations pour examiner les comptes de la société, selon une source proche de l’enquête. Ces demandes ont été rejetées par les juges et le parti pourrait exercer un recours.
« Train à toute vitesse »
S’il a été mis en examen pour financement illégal de sa campagne, l’ex-président n’est pas poursuivi dans le volet sur un vaste système de fausses factures mis en place pour masquer le dépassement du plafond de dépenses. A l’origine, c’est bien par des soupçons de surfacturation chez les proches de Jean-François Copé que l’affaire avait commencé, quand Le Point avait fait ses premières révélations en février 2014.
Trois mois plus tard, dans une mémorable confession télévisée, son bras droit, Jérôme Lavrilleux, rejetait la responsabilité sur la campagne présidentielle, la comparant à « un train qui filait à toute vitesse » à coups de meetings qui se multipliaient.
Depuis, cette thèse s’est imposée dans l’enquête, en dépit des dénégations et des trous de mémoire de certains protagonistes. Les enquêteurs ont épluché les comptabilités officielles et cachées, multiplié les auditions et confrontations, mais le flou persiste encore sur les donneurs d’ordre, après deux ans d’investigations.
S’il ne l’a pas mis en cause, son ex-directeur de campagne, Guillaume Lambert, a prêté à Nicolas Sarkozy un rôle de décideur du rythme des meetings. Un rôle relativisé par l’ancien candidat. La thèse d’une fraude conçue uniquement entre Bygmalion et l’UMP dans le dos des responsables de la campagne s’est étiolée lorsque l’enquête a été étendue à d’autres dépenses suspectes sans lien avec Bygmalion, comme pour le transport de militants.
Ce dernier volet a mis en lumière le rôle d’un expert-comptable, soupçonné d’avoir délibérément omis de faire figurer des dépenses dans le compte de campagne. Mais lui aussi a gardé le silence sur un éventuel donneur d’ordre.
Le Quotidien / AFP