Le Quotidien lance sa série de portraits des métiers de la sidérurgie. En guise d’introduction, nous revenons sur l’histoire de l’acier au Luxembourg.
Dossier réalisé par Aude Forestier
Cet alliage métallique constitué de fer et de carbone a fait décoller l’économie luxembourgeoise à la fin du XIXe siècle. Il est aussi un produit d’avenir.
Entre l’acier et le Luxembourg, l’histoire dure plus de 100 ans. Elle a débuté avec la mise en valeur du minerai de fer, dit oolithique. Sa redécouverte remonte à 1840. L’existence de la «minette» (dont la teneur en fer se situe entre 25 et 32 %) est connue depuis très longtemps. Son exploitation s’est longtemps heurtée à l’absence d’une infrastructure routière qui rendait difficile le transport vers les forges situées au centre du pays.
En 1846, le gouvernement matérialise un programme ambitieux de construction de routes. Celui-ci a profité aux sociétés luxembourgeoises (à la famille Metz par exemple), mais aussi aux maîtres de forges allemands, fortement intéressés par les réserves du bassin minier luxembourgeois. L’adhésion du Grand-Duché à l’union douanière des États de la Confédération germanique et l’aménagement de routes reliant le Sud du pays aux ports de la Moselle ont permis d’exporter le minerai du pays en Allemagne, où une clientèle solvable se développe.
1911, année charnière
Ce nouveau commerce a permis aux familles Metz et Collart d’amasser, selon le livre La Sidérurgie luxembourgeoise, un siècle d’histoire et d’innovation, «les capitaux indispensables pour édifier une industrie sidérurgique moderne adaptée aux progrès techniques réalisés dans l’intervalle».
Entre 1866 et 1872, de nouvelles usines sortent de terre, en premier lieu à Dommeldange, puis à Esch-Schifflange, Esch-frontière, Rodange et Rumelange. Deux événements majeurs ont déclenché «un boom sans précédent». Le premier étant l’introduction de tarifs douaniers protectionnistes assurant des prix «rémunérateurs» pour les maîtres de forges, ainsi qu’un «flot de commandes» dans le marché allemand. Le second étant l’invention du procédé Thomas. Sa mise au point permet la conversion des «fontes phosphoreuses en acier», rendant possible le laminage des rails, des poutrelles et des fers marchands.
Avec la clause exigeant la transformation de l’acier sur place (Verhüttungsklausel), la diversification de la production luxembourgeoise «jette les fondements» d’un empire de l’acier. Vers 1911, le Luxembourg occupe la cinquième place des pays producteurs d’acier derrière, par exemple, les États-Unis et l’Allemagne.
Cette année 1911 marque le début d’une nouvelle époque dans l’histoire de la sidérurgie luxembourgeoise avec la naissance de l’ARBED, les Aciéries réunies de Burbach-Eich-Dudelange créées et dirigées par Émile Mayrisch. Au fil des années, l’ARBED est passée de forge à caractère régional au statut de multinationale. Et l’industrie de l’acier a pendant longtemps participé à la prospérité du pays.
Émile Mayrisch, le baron du fer
Né en 1862 à Eich, d’un père médecin et d’une mère issue d’une famille de maîtres de forge, Émile Mayrisch était un industriel et homme d’affaires luxembourgeois. Il est entré dans l’histoire en jouant un rôle déterminant dans les négociations qui mèneront à la signature de la convention de l’Entente internationale de l’acier (EIA) à Bruxelles le 30 septembre 1926 par les sidérurgistes luxembourgeois, belges, allemands et français.
L’accord préfigure la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) qui sera instituée par un traité signé le 18 avril 1951. En 1911, il crée avec le Belge Gaston Barbanson l’ARBED (Aciéries réunies de Burbach-Eich-Dudelange). Cette entreprise est devenue le fleuron de l’industrie luxembourgeoise. Émile Mayrisch a exercé la fonction de responsable technique du groupe avant d’en devenir le président directeur général après la Première Guerre mondiale.Il meurt des suites d’un accident de voiture en 1928.
L’acier se recycle à l’infini
En 2002, elle fusionne avec l’Espagnol Aceralia et le Français Usinor. Arcelor se fait absorber par Mittal Steel Compagny en 2006 donnant naissance à l’entreprise ArcelorMittal que l’on connaît aujourd’hui, dirigée par Lakshmi Mittal.
Lakshmi Mittal, maître de l’acier
Lakshmi Narayan Mittal est né en 1950 dans l’État du Radjasthan, en Inde. Il exerce la fonction de président et de PDG d’ArcelorMittal.
Il commence sa carrière dans l’acier en 1976 en fondant Ispat Indo, une société encore tenue par la famille Mittal. Puis il crée Mittal Steel (auparavant appelée LNM Group) en 1989. Il guide son développement stratégique aboutissant à la fusion avec Arcelor en 2006 pour former ArcelorMittal. Lakshmi Mittal est membre de divers conseils d’administration.
Il siège également au conseil d’administration de la clinique de Cleveland aux États-Unis. Il a reçu plusieurs prix dont celui de «personne de l’année 2006», décerné par le quotidien britannique économique et financier Financial Times. Il est marié à Usha. Sa fille Vanisha est membre du conseil d’administration de l’entreprise. Son fils Aditya en est le directeur financier.
L’acier n’est pas un produit du passé. Encore aujourd’hui, on le retrouve dans les éoliennes, les ponts avec les poutrelles enrobées, les voitures avec l’Usibor fabriqué à Dudelange et dans les gratte-ciel à l’image de la tour Burj Khalifa située à Dubai qui contient des poutrelles Jumbo sorties de l’usine de Differdange. Même l’Apple Campus a été fabriqué avec de l’acier «made in Luxembourg»!
On ne le sait pas forcément, mais l’acier est un produit recyclable à l’infini qui présente un bilan carbone «très performant» lorsqu’on prend en compte l’ensemble de son cycle de vie. Il fait également l’objet de recherches qui permettront de fabriquer des produits encore plus durables dans les années à venir.
ArcelorMittal au Grand-Duché
Selon les dernières statistiques, ArcelorMittal est le premier employeur du pays. Il compte actuellement 4 284 employés issus de 54 nationalités. Ses activités sont réparties sur treize sites dont neuf industriels et un site de diffusion d’énergie (Sotel) situé à Esch-sur-Alzette. Le sidérurgiste produit plus de deux millions de tonnes par an au Luxembourg (2,13 millions de tonnes en 2015), dont 95 % produits à partir de matériaux recyclés.
Les investissements totaux sur les sites industriels sont de 64 millions d’euros. Trente-cinq millions iront à l’usine de Differdange. Un investissement est prévu à Belval pour une dresseuse de palplanches et à Rodange pour la production de nouveaux rails à gorge pour tramway. En 2014, ArcelorMittal a versé 527,6 millions d’euros à ses salariés (masse salariale), fournisseurs et sous-traitants installés au Grand-Duché.
Du fil à la poutrelle Jumbo
Les sites du sidérurgiste, principalement situés dans le sud du pays, ont tous leurs spécificités.