Le groupe allemand Bayer a montré lundi qu’il était prêt à ouvrir en grand son portefeuille pour mettre la main sur Monsanto, malgré la réputation sulfureuse en Europe du fabricant américain de semences OGM et de pesticides.
Soixante-deux milliards de dollars, soit environ 55 milliards d’euros. C’est l’énorme prix que Bayer met sur la table. Le succès de cette fusion en ferait la plus grosse acquisition d’un groupe étranger par une entreprise allemande, loin devant celle à quelque 36 milliards de dollars de Chrysler par Daimler à la fin des années 1990.
Un géant mondial des pesticides, engrais et semences naîtrait de ce rapprochement entre Bayer, dont les pesticides dits « tueurs d’abeilles » sont décriés par certains, et Monsanto, également fabricant du controversé pesticide Roundup.
« Cette transaction représente une énorme opportunité pour les actionnaires de Monsanto », a promis, lors d’une conférence téléphonique, le patron de Bayer, Werner Baumann, qui est aux manettes du chimiste allemand depuis seulement le début du mois.
En proposant 122 dollars par action Monsanto, Bayer leur fait miroiter une prime de 37% par rapport au cours de début mai, avant que l’offre ne soit faite.
Le tout nouveau patron de Bayer a dévoilé la tenue, entre les deux groupes, « de discussions à de multiples occasions ces dernières années ». « Nous sommes fermement convaincus que c’est la combinaison des deux activités qui tire le meilleur de leur valeur », a assuré Werner Baumann.
Outre un prix cher à payer, Bayer semble prêt à affronter la réputation difficile de Monsanto, souvent perçu comme « le méchant des OGM » en Europe et combattu par de nombreuses ONG.
Aux Etats-Unis et en Amérique latine, les semences génétiquement modifiées de Monsanto sont très largement cultivées dans les champs de maïs ou de soja.
« Nous pensons que nous pouvons gérer la réputation de Monsanto (…). Nous savons que nous devons nous occuper de manière décisive de ce point », a affirmé le patron de Bayer, interrogé par l’AFP, mettant en avant « la très très forte réputation » de son propre groupe, notamment en Allemagne.
« Nous respectons tout ce que Monsanto a à mettre sur la table », a-t-il poursuivi, promettant « responsabilité, transparence et franchise ».
M. Baumann n’hésite surtout pas à justifier un tel rapprochement par le défi de nourrir une population mondiale toujours croissante dans les décennies à venir.
Pour Peter Spengler, analyste chez DZ Bank, c’est surtout pour Bayer « une chance, qui n’arrive qu’une fois dans sa vie, de dominer le marché agricole mondial », avec plus de 23 milliards d’euros de ventes combinées.
Monsanto n’a pas réagi aux détails de l’offre de Bayer. Quand la proposition avait été confirmée jeudi dernier, sans détails, le groupe de Saint-Louis, dans le centre des Etats-Unis, avait juste confirmé avoir reçu cette « offre non ferme et non sollicitée » de Bayer et l’étudier sans qu’il n’y ait « aucune certitude qu’une transaction ait bien lieu ».
Face à des prix faibles de matières premières, le secteur mondial de la chimie est agité par une consolidation à grande échelle, à l’instar des fusions en cours des américains Dow Chemical et DuPont et du chinois ChemChina avec le suisse Syngenta, un temps courtisé par Monsanto.
Déjà très lourdement endetté, Bayer se dit pourtant « hautement confiant » dans sa capacité à financer un tel rachat, en alourdissant encore sa dette et faisant racheter certaines de ses actions.
En avalant Monsanto, Bayer espère réaliser, au bout de trois ans, environ 1,5 milliard de dollars d’économies et enregistrer une hausse de son bénéfice par action d’environ 5% la première année et d’au moins 10% les suivantes.
Un plan financier visiblement pas totalement convaincant pour les investisseurs puisque à la Bourse de Francfort, l’action Bayer, déjà fortement attaquée jeudi dernier, perdait encore 2,66% à 87,16 euros peu avant 10h30.
« L’aspect financier semble gérable, ce qui rassure un peu le marché. (…) Néanmoins Monsanto doit encore réagir et un relèvement de l’offre ne peut pas être exclu à ce stade », a expliqué Marietta Miemietz, analyste chez Equinet.
Comme l’offre en est encore à ses prémisses, Bayer n’a pas voulu s’avancer davantage sur les conséquences en matière d’emploi de la fusion ou le nom du futur groupe qui sera basé à Monheim (ouest de l’Allemagne). Et bien sûr, il n’a pas voulu dire s’il était prêt à payer encore davantage.
Le Quotidien / AFP
Bayer veut se pourrir la vie ?