Esch-sur-Alzette serait coupée en deux, entre un sud ouvrier et immigré et un nord plus aisé. La politique d’intégration s’est retrouvée au cœur des débats, vendredi, en conseil, à la suite d’une analyse accablante de l’association Inter-Actions.
L’intégration est décidément un sujet de débat. Vendredi, en conseil, les élus eschois ont rouvert le dossier à la suite d’une analyse accablante réalisée par l’association Inter-Actions. De quoi égratigner l’image d’«Esch la multiculturelle».
Dans un rapport d’une dizaine de pages, l’ASBL, qui s’est fixé à sa création pour objectif d’améliorer les conditions de vie des personnes socialement défavorisées, fait un constat sans appel à propos de l’état de la mixité sociale et culturelle dans la Métropole du fer. Extraits choisis : «La répartition des étrangers présente une opposition frappante entre le nord et le sud de la commune […] notamment dans les quartiers Brill et Grenz, où les étrangers sont nombreux, avec des taux dépassant les 85 % dans certaines rues (Mandela, Audun, Canal). Au fur et à mesure que l’on se dirige vers le nord, le pourcentage d’étrangers diminue : 6,5 % dans le secteur Pierrard-Mannes-Schaeftgen par exemple.»
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L’association montre que ce sont dans les même lieux que l’on retrouve une scission entre ouvriers et employés du tertiaire, entre ceux qui maîtrisent les langues du pays et ceux chez qui «même des connaissances de base en français ne sont plus évidentes.» L’étude estime qu’il s’agit «principalement de primo-arrivants […] qui trouve de l’aide chez d’autres immigrés de leur nationalité».
Tendance au communautarisme
La conclusion tombe comme un couperet : «Malheureusement, la tendance est de rester dans cette communauté et de rester isolé. Souvent les communautés vivent les unes à côté des autres, sans être en connexion, avec une foule de préjugés.» Voilà pour le tableau. Sachant qu’en introduction, le rapport constate : «Force est de noter que 32 % des étrangers à Esch sont de nationalité portugaise.» La tendance à l’entre-soi lusitanienne est indirectement pointée du doigt.
Les élus pèsent le pour et le contre
Pour Dan Codello, échevin à l’intégration, le constat est sévère. « Évidemment qu’il y a encore du chemin à faire, sinon, nous ne travaillerions pas autant sur l’intégration. Mais nous sommes dans la caricature ici : ce n’est pas parce que l’on est ouvrier que l’on est exclu de la société. J’ai grandi à la Frontière, je sais de quoi je parle. Hier c’étaient les Italiens, aujourd’hui ce sont les Portugais… » Pour Dan Codello, Esch-sur-Alzette est multiculturelle et il faut « travailler sur les moyens de préserver et d’amplifier ce caractère .» Ce qu’il fait avec son équipe, non sans une volonté d’interaction directe avec les citoyens (réunions des habitants, sondage internet, etc.) .
De son côté, l’adjointe d’opposition Annette Hildgen (CSV) accepte le constat de l’association. Visiblement attachée au quartier du Brill, elle regrette la mixité d’antan. « Le Brill est devenu un quartier de transition. Le but du jeu, pour les immigrés qui y sont, est d’en partir dès qu’ils ont les moyens. Il n’y a plus de vie sociale comme avant, les arrivants ne s’intéressent pas à la vie publique. On leur fait miroiter une société de consommation et pour eux, le Luxembourg s’arrête à cela. On peut lancer tous les plans que l’on veut, si on ne change pas cette mentalité, les tentatives seront vouées à l’échec .» L’élue insiste sur la situation des personnes âgées qui vivent encore au Brill, et qui subissent les changements sans comprendre.
Pour mettre fin à cette scission, l’association propose «un travail de cohésion sociale» inspiré d’une expérience bruxelloise. Un local ouvrira entre les quartiers Brill et Al-Esch. Des activités intergénérationnelles seront proposées, des permanences sociales, la création de comités citoyens aptes à recevoir des plaintes, des cours de langues, de l’aide aux devoirs pour les enfants, etc. Le tout pour un montant d’un peu plus de 100 000 euros par an.
Hubert Gamelon