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[Festival] Le flamenco dévoile ses couleurs à Esch-sur-Alzette


La Lupi amènera le public du Flamenco Festival Esch dans son univers riche en couleurs. (Photo : Juan Conca)

Pour la onzième fois, le flamenco dévoile ses couleurs, sa richesse et ses talents du moment à Esch-sur-Alzette. Une tradition audacieuse, pédagogique et multiculturelle qui ne s’essouffle pas.

Durant deux semaines, la fièvre gitane s’empare de la Kulturfabrik, à travers des spectacles de haute facture, des projections et ateliers, qui traversent les berceaux du flamenco, de Séville à Grenade en passant par Cadix et Malaga.

Il y a des rendez-vous inusables, car originaux. Mieux : authentiques. C’est évidemment le cas de ce Flamenco Festival Esch qui, chaque année, emprunte à l’Andalousie ce qui se fait de mieux dans la discipline pour mettre en évidence toute la richesse de cet art en équilibre perpétuel, entre mélancolie et allégresse, souffrance et exaltation. Pas de chichi, en effet, avec ces danseurs, chanteurs et musiciens, descendants d’une longue tradition avec laquelle on ne plaisante pas, même si on aime parfois à lui mettre des coups de talon, pour s’en affranchir.

Corps meurtris et tordus, chants habités, visages douloureux répondent ici aux airs de famille, aux robes claquant au vent et au soleil des guitares ensorceleuses. De purs moments de «passion et d’émotion», explique l’un des organisateurs, lui aussi piqué par cette flamme annuelle qui n’est pas prête de s’éteindre. Rien d’étonnant d’apprendre qu’aujourd’hui, le festival eschois figue en bonne place parmi les grands rendez-vous dédiés au flamenco en Europe.

Pour quelles raisons? Le Quotidien amène quelques idées qui font que cette manifestation plaît toujours autant.

Conceptuel

Romuald Collard, responsable de la programmation musicale à la Kulturfabrik, garde un magnifique souvenir de sa première édition, l’année dernière. «J’ai découvert quelque chose hors du temps, hors du commun, qu’on ne voit pas ailleurs. Ce n’est pas un festival, c’est un concept!», indique-t-il, marqué par des spectacles intenses – «j’ai pris des claques monumentales» – et des artistes «passionnés». «Ils dégagent une telle émotion et une telle mentalité.» Comme il le dit, «ils ont le soleil dans la tête».

Qualité

De par son réseau en Espagne, le Circulo Antonio Machado, coorganisateur de l’évènement, vise toujours la qualité. «Les artistes présents sont toujours très bons, mais pas forcément très connus», explique Paca Rimbau Hernández, qui, pour concocter un programme digne de ce nom, alterne entre «coups de cœur» et bonnes surprises, du fait de la renommée du festival : «Aujourd’hui, certains danseurs ou chanteurs nous contactent pour venir à Esch!» Cette année, parmi ces cadors du flamenco, notons la venue de Farruquito, «le n° 1 pour ses pairs», et qui appartient à la dynastie gitane des Farrucos – «aussi connue que Beethoven!». Mais aussi le «monstre» David Palomar ou encore «l’envoûtante» La Lupi.

Histoire

Le flamenco est «un art qui vit et qui bouge», note Paca Rimbau Hernández. D’où cette forte empreinte du passé, tout aussi sensible à cette capacité à se réinterpréter sans troubler les us et coutumes. Une traversée des époques qui sera mesurable avec les trois documentaires projetés, symboles d’une évolution «sociale et politique». «Il y a aura de la subversion, de l’érotisme, une révolution musicale et une fibre féministe», indique Gloria Morano, de la Cinémathèque. La présence à l’affiche de la Française – aux racines, certes, andalouses – Samantha Alcón, prouve aussi que la mondialisation a touché le flamenco, même si cette édition se concentrera sur les hauts lieux de la discipline, de Séville à Grenade, de Cadix à Malaga.

Pédagogie

Une exposition de jeunes lycéens de Pétange, «très fiers de participer à ce festival», dixit leur enseignante en éducation artistique Stéphanie De Abreu, le traditionnel dimanche réservé aux écoles de la Grande Région et la kyrielle d’ateliers (danse, cajón, chant, castagnettes et guitare) montrent bien qu’à la Kufa, on sait se mettre à la hauteur de son public, qu’il soit simple curieux ou aficionado du genre. Ici, il est question de partage et de découvertes. «À quoi bon la vie, sinon…», conclut Paca Rimbau Hernández.

Grégory Cimatti