Dans le cadre des semaines de Sensibilisation aux besoins spécifiques, des dîners dans le noir sont organisés. Impressions des convives.
Plongés dans le noir grâce à un bandeau opaque, 23 convives ont dîné dans le noir à la Casa Fabiana. «Une riche expérience» pour tous.
Il est 19 h, lundi, les premiers convives arrivent à la Casa Fabiana (3, rue de Bonnevoie à Luxembourg). À l’entrée du restaurant, Colette Schmitz-Pleimling et Joaquim Alves, malvoyants et membres de l’ASBL Chiens guides d’aveugles au Luxembourg, enfilent un bandeau opaque et épais sur les yeux des invités, qui vont dîner dans le noir dans le cadre des semaines de Sensibilisation aux besoins spécifiques, organisées par la Ville en collaboration avec 70 associations.
«Oh là là ! Où m’emmenez-vous ?», interroge Colette (39 ans), venue rejoindre ses collègues Thuy (33 ans) et Hayate (25 ans). «Ne vous inquiétez pas, faites-moi confiance», lui répond Joaquim Alves, qui l’accompagne à la table de ses amies. «J’ai un peu paniqué au début, convient Colette. C’est dur de ne plus rien voir tout d’un coup et de devoir faire confiance à quelqu’un qu’on ne connaît pas. C’est déstabilisant.»
Une fois installés, tous les convives reçoivent quelques recommandations et conseils de la part de Colette Schmitz-Pleimling, Joaquim Alves et Madeleine Kayser du service intégration et besoins spécifiques : «Si vous voulez aller aux toilettes ou fumer une cigarette, appelez-nous et on vous accompagne» ou encore «pour vous verser à boire dans le verre, utilisez son doigt pour ne pas déborder».
Aux tables, les premiers gestes des convives sont empreints d’une prudence certaine, mais aucune casse ne se fait entendre. «Nous sommes venus par curiosité, indiquent Sabrina (34 ans) et Laura (33 ans). Cela nous intrigue de dîner dans le noir. Pour le moment, tout va bien.» «C’est une situation un peu bizarre, avancent Anja (24 ans) et Isabelle (26 ans). On se parle sans se voir comme au téléphone. Tout va bien, on n’a pas peur.»
La mise en bouche commence à être servie. Les serveurs informent les convives quand ils arrivent à leur table, la localisation de l’assiette, de la cuillère… «C’est une bonne expérience pour nous aussi, note Fabiana Bartolozzi, la propriétaire du restaurant. On doit beaucoup parler, s’annoncer quand on arrive à la table, expliquer la disposition des aliments dans l’assiette en utilisant l’horloge – le poisson est à 9 h ou les légumes sont à 15 h –. Organiser de tels dîners, cela nous permet de bien servir les « vrais » aveugles quand ils viennent manger chez nous.»
Pour ce dîner dans le noir, le chef-cuisinier Sébastien Bert a «poussé la réflexion pour travailler sur les textures et les goûts, car il manque un sens aux convives. La mise en bouche est un bavarois de betterave à la coriandre avec des morceaux de betteraves avec de la pimprenelle qui a un goût de concombre.»
«Ils nous voient avec d’autres yeux»
Aux tables, les premiers coups de cuillère sont maladroits et surtout lents. «C’est bon, avancent Thuy, Colette et Hayate. On cherche, mais on ne sait pas ce qu’on mange.» Les convives s’interrogent tous. Certains trouvent la betterave et le concombre, enfin la pimprenelle. Les assiettes se terminent et les organisateurs leur révèlent ce qu’ils ont mangé et ce principe sera le même tout au long de la soirée. Les plats s’enchaînent : miniratatouille niçoise servie en bocal, mousse aérienne au parmesan (entrée), poêlée d’asperges blanches et vertes, jus aux morilles et riz de Camargue ou filet de cabillaud rôti sur sa peau, coulis d’herbes du jardin ou suprême de poulet au miel et tamari, garniture du jour (plat) et mousse au chocolat betterave (dessert).
«On rigole, c’est amusant, mais c’est un peu pour masquer le côté déstabilisant de ce dîner dans le noir, souligne Thuy. On se pose aussi des questions. Nous, on « subit » cette situation pendant deux heures, mais les aveugles, c’est au quotidien. Comment font-ils pour prendre le bus, faire leurs courses…? J’ai beaucoup d’admiration pour ces personnes.»
Au fil des plats, les convives prennent conscience de la situation des aveugles et malvoyants. Les organisateurs sont là pour répondre à toutes les questions. «On ne veut pas que le monde change à cause de nous, on veut qu’on nous comprenne, conclut Colette Schmitz-Pleimling. Ce dîner est une manière de les sensibiliser. En partant, les gens voient un aveugle avec d’autres yeux.»
Les prochains dîners dans le noir
Quatre autres dîners dans le noir sont programmés lors des semaines de Sensibilisation aux besoins spécifiques, qui se déroulent jusqu’au 7 juin.
Jeudi, de 19 h à 22 h, à la Brasserie Roder (29, boulevard Roosevelt) : 40 euros hors boissons (viande ou poisson), 35 euros hors boissons (végétarien).
Mardi, de 19 h à 22 h, à la Casa Fabiana (3, rue de Bonnevoie) : complet.
Jeudi 19 mai, de 19 h à 22 h, à la Porta Nova (11, avenue de la Faïcenrie) : 35 euros hors boissons (viande, poisson ou végétarien).
Lundi 23 mai, de 19 h à 22 h, au Quadro Delizioso (24, rue de Gasperich) : 35 euros hors boissons (viande, poisson ou végétarien).
Réservations par tél. au 47 96 42 15 ou par courriel à makayser@vdl.lu
Guillaume Chassaing