Jean-Jacques Rommes, président et administrateur délégué de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) ne mâche pas ses mots pour décrire la relation entre le patronat et le gouvernement.
L’UEL a perdu du terrain ces dernières semaines lors des négociations sur l’organisation du temps de travail et sur la réforme de la Caisse nationale de santé (CNS). Le patron des patrons monte donc au créneau pour défendre les entreprises et surtout appeler le gouvernement à tendre un peu plus l’oreille du côté des entreprises.
Après deux semaines chargées en annonces, quelle est l’ambiance actuelle avec les acteurs des différents sujets de négociation, à savoir le gouvernement et les syndicats ?
Jean-Jacques Rommes : L’atmosphère est relativement tendue depuis que les négociations (échouées) en matière d’organisation du temps de travail ont mené à une décision du gouvernement qui nous semble largement unilatérale. Sans pour autant que ce soit la seule raison de notre mécontentement actuel, puisque nous avons beaucoup d’autres sujets dans lesquels nous estimons n’avoir pas été écoutés. Une chose est sûre : c’est qu’à la suite du discours de l’état de la Nation, le patronat a estimé devoir faire entendre sa frustration face à un gouvernement qui semble avoir abandonné la volonté d’avoir des finances publiques en bonne santé.
Pourtant, sur la flexibilité du temps de travail, vous avez eu le rallongement demandé sur la période de référence…
C’est vrai que nous voulions un rallongement de la période de référence, parce que nous voyons que la flexibilité du temps de travail devient une donnée importante de l’organisation du temps de travail futur. Il s’agit ici de pouvoir s’adapter à la demande et aux effets saisonniers. Une volonté qui vient également de la part de nombreux salariés qui ont besoin de temps libre. D’ailleurs, nous avons soutenu le gouvernement lorsqu’il a voulu étendre et flexibiliser le congé parental, à la condition que d’un autre côté le gouvernement apporte son soutien à une plus grande flexibilité dans l’organisation du temps de travail, et donc au rallongement de la période de référence. Tout en étant conscients que nous pouvions faire des concessions, nous n’avons jamais voulu que cela se fasse par des congés supplémentaires. Nous aurions même préféré le chemin choisi par le LCGB pendant les négociations, à savoir un droit de regard du personnel sur la flexibilité, entreprise par entreprise.
On a parlé de « douche froide » pour les patrons…
Car c’est le cas. Dès que l’idée de congés supplémentaires est apparue dans les négociations, nous avons clairement signalé que nous n’en voulions pas, au point même de préférer le statu quo.
Même si les congés en question sont limités aux entreprises qui vont étendre leur période de référence ?
Oui, car l’extension de cette période de référence n’a du coup plus du tout la même valeur pour nous. Nous craignons également un effet de contagion aux autres salariés, conventionnés ou non. À cela s’ajoute, entre autres, la limite de la portabilité du travail. Au final, cela crée un mécanisme, qui fait comme tel, n’a plus aucune utilité pour les entreprises.
Les rapports avec les syndicats, dont l’OGBL, ne doivent pas être simples en ce moment ?
L’OGBL est dans son rôle, tout comme nous sommes dans le nôtre. La vision de l’OGBL a été d’empêcher la flexibilité du travail et/ou de la rendre inefficace, soit l’opposée de la nôtre. Le souci est dans la décision politique, qui a mis le curseur à 80 % du côté du syndicat. Si la politique doit trancher, que cela nous plaise ou non, nous nous attendons toutefois à voir le curseur placé de façon à ce qu’il y ait un niveau de mécontentement égal de chaque côté. Or là, l’OGBL est pleinement satisfaite, à juste titre, tout comme nous sommes pleinement frustrés, à juste titre aussi.
Peut-on supposer que dans ce contexte, les négociations sur la quadripartite santé quelques jours plus tard ont aussi été tendues ?
Nous ne mélangeons pas les dossiers. Mais là aussi, nous sommes mécontents de l’issue de la quadripartite, sans pour autant y voir un lien avec ce qui s’est passé sur le dossier de la flexibilité et de l’organisation du temps de travail.
Pourquoi êtes-vous mécontent ?
Nous voyons que le gouvernement et les syndicats s’orientent vers une augmentation des dépenses, sous prétexte que les caisses de la CNS seraient actuellement pleines, archipleines même. Ce qui est vrai. Mais en même temps, nous voyons des négociations collectives dans le secteur hospitalier, où ces mêmes syndicats demandent des augmentations substantielles des rémunérations. Je ne peux pas juger à quel point cela est justifié ou non, mais je constate qu’ils veulent augmenter les prestations, augmenter les rémunérations des prestataires, et en même temps défendre les intérêts des patients. Au final, c’est un système qui boite. Nous l’avons dit, mais là encore, nous n’avons pas été écoutés.
Propos recueillis par Jeremy Zabatta
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