Nous sommes allés frapper à la porte d’anciens de la Jeunesse Esch pour leur demander ce qu’ils ont pensé de la présidence de Jean Cazzaro. Forcément, il a été beaucoup question d’identité du club…
Entre 2004 et 2016, la Vieille Dame version Jean Cazzaro a glané un titre de champion (2010) et une Coupe (2013). Elle a surtout perdu de son influence, mais aussi tenu une ligne budgétaire serrée qui l’a forcément mise à distance de clubs comme le F91 ou le Fola.
DENIS SCUTO : «Depuis 2006, je n’ai toujours pas vu de vision»
«Un bilan de la présidence de Jean Cazzaro ? Je n’ai pas encore réfléchi à la question. En 2006, j’ai démissionné de son comité parce que je n’étais plus d’accord avec le peu de place donnée à une véritable vision sportive. Depuis, je n’ai toujours pas vu de vision de dessinée. C’est simple, avec ce président, je ne m’y retrouvais pas. Pour le reste, je ne peux pas juger : ce n’est pas possible de donner son impression quand on est à l’extérieur. Ce serait trop facile. Mais je pense qu’il faudrait désormais vraiment un concept sportif à la hauteur de l’histoire de ce club, et ça commence chez les jeunes. Si on se tourne vers ça, alors je pense que beaucoup d’anciens seraient intéressés à l’idée de donner leur avis. Moi ? Personne ne m’a demandé de revenir et j’ai passé l’âge de fréquenter des endroits où personne ne me demande de venir.»
ANDRÉ ZWALLY : «La Jeunesse a commencé à décliner avant lui»
«Dans ces douze ans, il y a eu des moments magnifiques et d’autres, de déception. Cela fait un bilan équilibré… vu que dans le même temps, en DN, tout a changé. Je trouve qu’avec des petits moyens, il a gardé une certaine identité au club, parce que l’héritage était difficile. Avant lui, la Jeunesse commençait déjà à décliner et il a dû assumer. C’est comme l’épisode du crowdfunding. Le club n’a pas été assez attentif et a commis une erreur administrative, mais je ne suis pas opposé à ce genre de collecte auprès des fans vu que la Jeunesse avait atteint ses limites de financement. Cela a aussi montré qu’elle bénéficiait encore d’un certain soutien par rapport aux autres clubs.
Je n’ai pas été très d’accord pendant l’affaire Theis. C’était un gars du club qui avait une vision et à qui il a manqué de l’appui chez ses dirigeants. Une saison ratée, ça peut arriver, mais il avait une philosophie et aurait dû être soutenu. Après, si on avait voulu rester sur les bases du passé, au niveau bilan, il aurait fallu qu’on remporte trois ou quatre championnats sur sa mandature, mais voilà, on est désormais vraiment en dessous. L’argent compte trop. Mais le successeur de Jean Cazzaro ne doit pas être comme Flavio Becca ou Gérard Lopez ! Tout pour le business ? Ça, tu ne peux pas te permettre à la Jeunesse. Pourtant, il va falloir continuer à gagner des titres, sinon, on va commencer à se servir d’excuses et ce sera comme un virus.»
JACQUES MULLER : «Ça va être très difficile sans lui»
«J’en garderai plutôt du positif. Le temps que nous avons travaillé ensemble (NDLR : entre 2007 et 2010, avec un titre à la clef) il m’a laissé travailler et reconstruire tranquillement, au point que je me demandais s’il n’aurait parfois pas dû plus s’en mêler. On n’avait pas du tout d’argent et un transfert ne devait rien coûter. Jean Cazzaro est un patron d’entreprise et donc il fait confiance aux gens qui ont des fonctions au sein du club. Là aussi, il aurait dû peut-être plus contrôler. Parce que chez les jeunes, on aurait dû faire mieux. C’est par là qu’on a perdu une large part de l’identité du club et quand on regarde ça de l’extérieur, ça fait mal. Il fut un temps où on avait même peur de nos équipes de jeunes. Plus maintenant. Mais ce n’est pas que de sa faute : certains sont au comité depuis 30 ans ! Et après, il n’y a pas de miracle : il faut de l’argent. Et d’ailleurs, quand il y avait un petit trou de trésorerie, il a souvent comblé. Il a mis un petit paquet. L’idéal, ce serait d’avoir un président qui s’identifie à 100% à la Jeunesse, comme lui, mais qui soit plus interventionniste. Mais bon, ça va être très difficile sans lui.»
ERNAD SABOTIC : «Trop de gens ont quitté ce club»
«Il y avait toujours une distance entre lui et le groupe. Avec les joueurs, c’était bonjour, au revoir, même quand il s’agissait de prolonger les contrats. Quand c’était lui qui s’en chargeait… Moi qui ai connu les présidences de Fernand Claude ou Jhemp Barboni, c’était des hommes plus proches des joueurs. Alors moi, je suis parti en 2008, mais ce n’était déjà plus la Jeunesse d’avant. Je pense que le club aurait dû faire un effort pour garder auprès de lui des anciens comme Lamborelle, Cardoni ou Amodio. Et aussi les jeunes qui avaient du talent plutôt que d’aller recruter à l’extérieur. Mais bon ça, ce n’est pas forcément de sa faute. Aujourd’hui, malheureusement, si la Jeunesse veut redevenir championne, il lui faudra trouver quelqu’un qui a du pognon, mais je trouverais mieux qu’on demande à des anciens de revenir au comité et de reconstruire un truc avec eux. Je trouve que trop de gens ont quitté ce club. Je n’y connais plus personne.»
Julien Mollereau