Le rap grand-ducal est en plein essor depuis quelque temps. Maka MC en apporte une nouvelle preuve. Le rappeur sort, vendredi, son premier album, Dialog, produit en collaboration avec De Läbbel.
Maka MC n’a que 24 ans, mais rappe depuis onze ans déjà. Son premier album ne sortira que vendredi, mais les amateurs de hip-hop grand-ducal connaissent déjà son nom grâce à une déjà longue liste de concerts, souvent avec ses potes de De Läbbel (le label lancé par des membres de De Läb) et un premier EP, Maachen kengem Onrecht, sorti en 2013.
Il aura fallu trois ans à Maka MC pour sortir son album. Trois ans pendant lesquels ce jeune Portugais d’Esch-sur-Alzette a dû mettre sa passion, le rap, un peu de côté pour se créer un avenir. Une fois sa situation professionnelle réglée – il est éducateur – voilà que la musique reprend le dessus.
«Ça fait onze ans que je fais du rap, précise Maka MC. Quand mes copains jouaient au foot, moi, je rappais. Écrire des morceaux, c’est comme une thérapie pour moi et être sur scène est un rêve d’enfant.» Bref, le rappeur ne sort pas de nulle part. «J’ai travaillé dur pour y arriver, poursuit-il. Maintenant que l’album arrive, je vis vraiment ce projet à fond.»
De quoi expliquer une certaine frénésie. Ainsi, Dialog possède pas moins de 17 pistes. Dix-sept morceaux où le rappeur aime tenter, expérimenter. Si son flow est rapidement identifiable, Maka MC pose ses mots sur des beats très différents, allant même, par moments, chatouiller des rythmes latinos. «J’ai travaillé avec plein de beatmakers différents (NDLR : Wispo, Crux Cutz, Corbi, David Fluit, 8cee, DJ Headmasta, MKO) pour la partie instrumentale de l’album. Soit j’accroche sur un son préexistant, soit le beatmaker fait un nouveau morceau spécialement pour moi, puis je commence à écrire dessus.»
Une release pleine de surprises
Des textes qui sont autant de dialogues – d’où le titre de l’album – que Maka MC entame tantôt avec lui-même, tantôt avec les auditeurs, tantôt encore avec des personnages de fiction. «La communication entre les personnes est essentielle, reprend l’artiste. J’aime créer ces petits dialogues qui me permettent de parler parfois de politique, d’autres fois simplement de la vie quotidienne d’un jeune d’aujourd’hui au Luxembourg.»
Et niveau discussions, c’est un peu le grand écart. Dans Blind Spot, Maka MC s’attarde ainsi sur le sujet des SDF – «Même dans un pays riche comme le Luxembourg, il y a des SDF; ils ont beau être dans la misère, ils font quand même partie de notre société, même si bien souvent on ne veut pas trop les voir», lance-t-il. Dans Frend vun der Sonn, il tacle «ces gens qui font semblant d’être de bons copains mais qui te poignardent ensuite dans le dos dès qu’ils le peuvent». Autant de «dialogues» nés de ce qu’il voit «dans (son) quotidien, quand (il) prend le bus, le train, etc.». J’observe autour de moi, parfois c’est vraiment passionnant. Je reprends ces thématiques ensuite à mon compte, surtout si je m’aperçois qu’elles ne sont pas souvent abordées dans notre société, et j’en fais des chansons.»
C’est Ech qui ouvre l’album. Un morceau qui, comme son titre l’indique, parle du rappeur lui-même (ech signifiant je ou moi en luxembourgeois). Mais il serait injuste de reprocher à Maka MC de tomber dans l’egotrip primaire. L’artiste semble mettre toute sa vie dans ce Dialog et, poliment, il commence par se présenter. Une sensation renforcée quand on découvre, à l’autre bout de l’album, le morceau de fin, Liewen noom Liewen, une chanson sur la mort. «C’est quelque chose dont les gens ne veulent jamais parler, alors que c’est logique, naturel. Je ne trouve pas normal que les gens ne veuillent pas en parler», précise le chanteur.
Des textes écrits et chantés à 100 % en luxembourgeois. Un défi pour ce Portugais arrivé au Grand-Duché à l’âge de 8 ans. «Quand je suis arrivé ici, je ne parlais pas du tout luxembourgeois, se rappelle-t-il. Des enfants me traitaient de « Portugais de merde » et se foutaient de moi. Alors je me suis dit : « Tu vas appendre le luxembourgeois tellement bien que tu vas le parler mieux qu’eux! » C’était un défi. Et je pense y être arrivé. C’est donc devenu naturel pour moi d’écrire mes textes en luxembourgeois», ajoute-t-il avec une certaine fierté.
Tous les morceaux de Dialog, ainsi que quelques extraits de Maachen kengem Onrecht, seront repris sur scène demain, lors de la soirée de lancement de Dialog qui se tiendra au Floor de la Rockhal. Une soirée prévue pour durer pas loin de trois heures et à laquelle participeront d’autres membres du «Läbbel» : BC One, Edelweis, Individu, mais aussi VIC et Dany le Loup, du groupe Los Dueños. Le show s’annonce dynamique, très tourné vers l’entertainment.
Maka MC présentera aussi à cette occasion quelques tout nouveaux morceaux prévus pour un prochain projet. Un futur album que le rappeur compte bien sortir avant la fin de l’année et pour lequel le chanteur d’Esch a prévu de travailler avec des artistes portugais, en portugais. Une sorte de retour aux sources !
Pablo Chimienti
Rockhal – Esch-Belval
Demain à partir de 20 h 30
Tickets : 10 euros (album inclus)