Le procès pour proxénétisme de Dominique Strauss-Kahn et ses co-accusés est entré lundi dans sa deuxième semaine, les regards déjà rivés sur l’audition à venir de l’ancien patron du FMI, ex-homme politique français vedette à la carrière brisée par son goût des femmes.
Le principal soupçon visant Dominique Strauss-Kahn est d’avoir été, selon l’acte d’accusation, le « roi de la fête » de soirées dans le nord de la France mais aussi à Paris et Washington, siège du FMI. (Photos : AFP)
L’ancien directeur du Fonds monétaire international, longtemps favori pour la présidentielle française de 2012, sera entendu à partir de mardi devant le tribunal correctionnel de Lille (nord), dans ce qui fait figure en France de spectacle judiciaire de l’année.
« DSK » aura trois jours pour tenter de convaincre que, contrairement aux dires de l’accusation, il ignorait que les femmes prenant part aux parties fines organisées en sa faveur par plusieurs notables poursuivis avec lui étaient des prostituées.
Sa confrontation avec les témoignages de deux d’entre elles, ses principales accusatrices, sera le clou de l’épreuve pour l’ex-star déchue de la gauche sociale-démocrate, dont l’implication a rendu l’affaire hors norme.
Le principal soupçon visant Dominique Strauss-Kahn est d’avoir été, selon l’acte d’accusation, le « roi de la fête » de soirées dans le nord de la France mais aussi à Paris et Washington, siège du FMI, où trois voyages ont été organisés alors qu’il dirigeait encore l’institution. « Il y avait parfois cinq, six couples. Lui, c’étaient ses récréations. On passait de belles soirées », a raconté lundi David Roquet, un homme d’affaires proche de Dominique Strauss-Kahn sur la radio France Inter, peu avant d’être lui-même interrogé à l’audience.
Poursuivi en tant que co-organisateur de ces parties fines — auxquelles prenaient aussi part deux autres prévenus proches de DSK, l’entrepreneur Fabrice Paszkowski et un policier, Jean-Christophe Lagarde —, il a répété que l’ancien patron du FMI n’avait jamais eu vent de la nature galante « des filles cultivées, élégantes » qui lui étaient présentées. Dominique Strauss-Kahn a toujours ramené les bacchanales à un simple libertinage entre adultes consentants.
Les participantes, elles, ont décrit au cours de l’enquête des ébats sexuels relevant du « carnage », « de l’abattage ». « Le tribunal n’est pas le gardien de l’ordre moral, mais celui du droit et de sa bonne application », a prévenu son président, Bernard Lemaire.
> Bénéficiaire ou instigateur ?
Âgé de 65 ans, Dominique Strauss-Kahn encourt jusqu’à dix ans de prison et 1,5 million d’amendes s’il est reconnu coupable de proxénétisme aggravé. Il n’est apparu qu’une fois jusqu’ici au procès dit du « Carlton », lors de son ouverture lundi dernier.
Il y a répété ne s’être « jamais » rendu dans le luxueux hôtel lillois qui a donné son nom à l’affaire. N’avoir « jamais » rencontré non plus son chargé des relations publiques, René Kojfer, cheville ouvrière du réseau, ni Dominique Alderweireld, alias « Dodo la Saumure », tenancier de maisons closes et bars à hôtesses en Belgique, accusé d’en avoir été le pourvoyeur.
Allusion transparente à Dominique Strauss-Kahn, qu’elle ne pouvait citer en son absence, une ancienne prostituée belge, « Jade », a dit à la barre la semaine dernière qu’elle en « voulait » au tandem Roquet-Paszkowski de lui avoir « présenté une personne publique ».
Dans un témoignage poignant, la jeune femme a aussi mis à mal la défense de Dodo la Saumure, récusant les dires de son ancien souteneur sur l’indépendance des femmes employées dans ses établissements. Un autre notable assis au banc des prévenus, l’avocat Emmanuel Riglaire, a fait resurgir la théorie d’un « complot » contre l’ancien patron du FMI, dénonçant un dossier « orchestré » pour le « cueillir ».
Le parquet de Lille s’était prononcé à l’origine pour un abandon des poursuites contre DSK, l’estimant « bénéficiaire » mais pas instigateur de la prostitution. Mais les juges d’instruction ont décidé de le renvoyer devant le tribunal avec 13 autres prévenus.
L’affaire du « Carlton » avait éclaté parallèlement au tonitruant scandale qui a anéanti en 2011 les ambitions présidentielles de Dominique Strauss-Kahn, lorsqu’il a été arrêté aux États-Unis, accusé de viol par une femme de chambre de l’hôtel Sofitel de New York. Les images de DSK menotté et encadré de policiers avaient alors tourné en boucle dans le monde entier. Le dossier s’est achevé sur un accord financier confidentiel avec son accusatrice.
AFP