Troisième film «américain» du Québécois Jean-Marc Vallée, Demolition est une méditation sur le chagrin, une réflexion sur le deuil, mais aussi un film qui célèbre la vie.
Avec Jean-Marc Vallée, on ne fait jamais dans le détail… Ainsi, dans Demolition, on est embarqué dans le sillage de Davis Mitchell, un banquier d’affaires qui avait bien mené sa carrière. Mais sa femme est morte dans un accident de voiture, il a perdu le goût de vivre. Son entourage, dont son beau-père, l’incite à se ressaisir – en vain. Le grand plongeon continue.
Il y a des lettres de réclamation à une société de distributeurs automatiques, la rencontre avec Karen Moreno – la responsable du service clients… et peu à peu, Davis va remonter à la surface, sans hésiter à démolir tout ce qui est lié à sa vie passée…
Dans une note d’intention, le réalisateur assure que «sous couvert d’une méditation sur le chagrin, et d’une réflexion sur le deuil, Demolition est un film qui célèbre la vie et nous rappelle qu’il faut simplement prendre le temps de vivre et d’aimer. Je me suis senti très proche de Davis. Moi aussi, à une époque de ma vie, il m’est arrivé d’oublier comment aimer. J’étais trop occupé à essayer de réussir, à gagner de l’argent, à payer les factures… J’étais focalisé sur ces questions-là et j’en ai oublié que je pouvais aussi savourer cette satanée vie. Je me sentais indifférent. J’ai fait énormément de choses par facilité. J’espère que le spectateur vivra Demolition comme une expérience sensorielle davantage qu’intellectuelle». Quant au scénariste Bryan Sipe, il évoque le personnage de Davis : «C’est un homme qui n’est plus capable de ressentir quoi que ce soit : il est devenu indifférent à tout et apathique.»
«La richesse d’une vie accomplie»
Pour l’excellent Jake Gyllenhaal, Davis a mené sa vie dans les règles les plus conventionnelles : «Il a gagné beaucoup d’argent, s’est marié et affiche tous les signes extérieurs d’une vie parfaite. Mais il lui manque la richesse d’une vie accomplie, au sens fort du terme. Paradoxalement, la tragédie qui le touche, la perte de sa femme, va le rendre plus sensible à ce que la vie peut lui offrir. Il essaye donc de se retrouver à son tour…»
Un tel scénario confié à quelques réalisateurs (ouvriers spécialisés du 7e art) aurait donné un film dégoulinant, un robinet d’eau tiède, de la guimauve – mais voilà, Demolition est habilement mis en images par Jean-Marc Vallée, et ça décoiffe ! Parmi les raisons, deux qui portent la «griffe Vallée» : la manière de filmer à 360 degrés et les plans rapprochés – ce qui ne permet pas le recours à des doublures pour les «cascades».
Et c’est ainsi qu’une fois encore et après l’épidémie du sida dans les années 1980 (Dallas Buyers Club) ou de la crise existentielle d’une jeune addict (Wild), le réalisateur québécois tape juste dans l’art du renversement – même si, aux yeux de certains, le scénario de Demolition peut paraître artificiel. Mieux : Jean-Marc Vallée signe là un film en forme de conte philosophique, satire sociale et sitcom familiale. Un film qui, nécessairement, devrait finir mal mais…
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan