Un Napoléon au corps d’araignée, tissant sa toile autour de l’Europe : le British Museum de Londres présente à partir de jeudi une exposition retraçant la vie de l’empereur à travers les coups de crayons impertinents des caricaturistes britanniques de l’époque.
Une exposition qui permet de voir Napoléon comme on ne l’a jamais vu. (Photo : AFP)
Publié en 1808, « L’araignée corse dans sa toile », de Thomas Rowlandson, fait partie des dizaines de dessins, affiches et autres imprimés exposés jusqu’au 16 août au prestigieux musée de la capitale britannique. L’exposition, baptisée « Bonaparte et les Britanniques : imprimés et propagande à l’époque de Napoléon », est découpée chronologiquement en quatre grandes périodes, de l’irrésistible ascension du chef de guerre, à la chute de l’empereur qui mit l’Europe à ses pieds.
Bonaparte (1769-1821), « ennemi charismatique » au caractère impétueux, était un sujet de choix pour les dessinateurs de la société londonienne de la fin du XVIIIe et du début du XIXe, explique Tim Clayton, un historien spécialiste de l’empereur. Napoléon a « eu la malchance de tomber exactement au mauvais moment » : en plein âge d’or de la caricature, dit-il.
« Je ne pense pas que quiconque dans l’histoire ait été autant calomnié et ridiculisé que Napoléon », ajoute Tim Clayton.
> « Il fallait le rabaisser »
Si des portraits flatteurs de Bonaparte circulent encore à Londres à la fin du XVIIIe siècle, le ton devient nettement plus incisif, et moqueur, à mesure que s’accentue la menace que fait peser le Français sur son voisin britannique. En 1803, les deux pays sont à nouveau en guerre et James Gillray, un des plus grands caricaturistes britanniques, réalise « La peste corse – ou le dîner de Belzébuth », montrant un diable hilare cuire au-dessus des flammes un tout petit Napoléon embroché.
Ce Bonaparte aux proportions ridicules, c’est le « Little Boney », dont l’invention permet de contrebalancer l’aura de Bonaparte. « Parce qu’il faisait peur, il fallait le rabaisser », explique Sheila O’Connell, conservatrice au British Museum. Utilisé à maintes reprises, « Little Boney » apparaît en 1812 alors que la campagne de Russie tourne à la débâcle: le dessinateur Williams Elmes publie une caricature de Napoléon les pieds pris dans la glace, avec à ses côtés le « Général Glace », un monstre qui piétine la Grande armée et menace de trancher la gorge de Napoléon.
Si ces images visaient à ridiculiser Bonaparte, elles contribuaient également à forger un sentiment d’unité nationale, et ont parfois influencé la perception qu’avaient de Napoléon les générations suivantes.
> Propagande
Vendues en moyenne entre 1 et 4 shillings pièce, surtout dans des boutiques fréquentées par une certaine élite londonienne, ces caricatures étaient aussi parfois commandées par le pouvoir et utilisées comme outil de propagande. Comme le souligne Sheila O’Connell : « On dit que la liberté de la presse et la liberté d’expression étaient ancrées de longue date dans le droit britannique, mais c’était loin d’être aussi évident que ça. » Les caricaturistes se font plus cléments dès lors que Napoléon ne représente plus une menace, et certains Britanniques affichent même leur admiration pour l’empereur.
Un buste en bronze de Napoléon, sculpté à la manière d’un empereur romain aux traits idéalisés et installé en 1818 dans le jardin d’aristocrates britanniques de l’époque, trône d’ailleurs à l’entrée de l’exposition, avec, gravé à sa base, un appel au retour de l’empereur, alors en exil à Saint-Hélène.
AFP