Angela Merkel a estimé mercredi que l’UE avait «pour la première fois» cette semaine la chance de résoudre la crise migratoire via un accord avec la Turquie, tout en prévenant Ankara qu’il ne se ferait pas à n’importe quel prix.
Lors du sommet des dirigeants européens de jeudi et vendredi sur le sujet à Bruxelles, «il s’agit de savoir si nous parviendrons à trouver un accord nous donnant pour la première fois une véritable chance de solution durable et paneuropéenne sur la question des réfugiés», a déclaré la chancelière allemande devant la chambre des députés. Le plan à l’étude consiste en une alliance avec la Turquie pour se «répartir le fardeau» de la crise migratoire, a résumé Mme Merkel.
Présenté dans ses grandes lignes au début du mois, le projet prévoit que la Turquie reprenne les réfugiés syriens qui tentent illégalement de se rendre en Grèce, puis en Europe du Nord, et qu’en échange les Européens accueillent, sur une base «volontaire», un nombre équivalent de réfugiés syriens attendant en Turquie, dans le cadre d’un mécanisme organisé. En échange, Ankara demande diverses concessions européennes telles que la relance des négociations sur son adhésion à l’UE – actuellement bloquées par la querelle autour de Chypre -, une liberté de circulation de ses ressortissants en Europe et une aide financière deux fois plus importante que prévu.
Tentant de rassurer les détracteurs de l’accord, qui redoutent des concessions trop importantes, Angela Merkel a assuré qu’une relance des négociations ne signifiait pas une promesse d’entrée. Les négociations continueraient à être menées «avec une issue ouverte» et donc «l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne n’est absolument pas à l’ordre du jour», a déclaré la chancelière, dont le parti conservateur est en l’état opposé à une adhésion.
Concernant la suppression pour les ressortissants turcs de l’obligation de visa dans l’UE, que demande désormais Ankara pour fin juin, Mme Merkel a aussi indiqué qu’elle ne ferait preuve d’aucune faiblesse. «Les conditions à remplir par la Turquie en vue d’une libéralisation des visas, ne changent pas», a assuré la chancelière. «Il y a encore du reste beaucoup à faire» en vue d’un accord «et nous allons nous assurer que les conditions prévues soient pleinement remplies», a-t-elle ajouté.
Ce point suscite l’inquiétude parmi certains pays européens. Le chef du gouvernement français Manuel Valls a prévenu mardi qu’«il ne peut y avoir le moindre chantage» de la part de la Turquie dans les discussions. Au sein du propre camp politique conservateur de la chancelière, nombre d’élus refusent de valider une ouverture des frontières sans garanties aux ressortissants turcs, au moment où le continent doit déjà faire face à une vague migratoire sans précédent depuis 1945.
Le parti de la chancelière, la CDU, a essuyé un revers lors d’élections régionales dimanche, marquées par un vote sanction contre sa politique d’ouverture aux réfugiés et par une percée spectaculaire de la droite populiste anti-immigrés. Les détracteurs du projet d’accord UE-Turquie dénoncent aussi le fait que l’Europe s’apprête à lier son sort sur les migrants à un pays régulièrement critiqué sur les libertés publiques ou pour sa politique à l’égard des Kurdes.
Angela Merkel a promis de rester ferme. «Il va de soi que face à la Turquie nous devons mettre en avant nos convictions sur la protection de la liberté de la presse ou le traitement des Kurdes», a-t-elle dit, tout en reconnaissant le droit à Ankara d’une réponse armée «proportionnée» face aux «terroristes» du PKK.
Le Quotidien/AFP