Des réfugiés syriens et irakiens retournent à l’école afin d’apprendre le français «pour s’intégrer».
Lecture, écriture, prononciation… Vingt-cinq demandeurs de protection internationale, venus de Syrie et d’Irak, suivent un cours d’alphabétisation à l’alphabet latin avec initiation au français. Retour sur les bancs de l’école.
Il est 9 h. La sonnerie du lycée technique pour professions éducatives et sociales (LTPES) de Mersch retentit. Dans la salle A.1.25, Siggy Koenig, pensionné et ancien administrateur général du ministère de l’Éducation nationale, entame son cours d’alphabétisation à l’alphabet latin avec initiation au français, mis en place par l’ASTI (Association de soutien aux travailleurs immigrés) et qui se déroule tous les matins, du lundi au jeudi. Ses élèves sont des demandeurs de protection internationale, venus pour la plupart de Syrie et hébergés dans les foyers d’accueil de Mersch, Marienthal, Marnach, Bourscheid… Ils se prénomment Nagi, Liza, Khaled, Ghassan, Amina… et sont âgés de 20 à 45 ans.
Le silence règne dans les rangs. Tout le monde écoute attentivement le professeur Siggy Koenig. Aujourd’hui, la séance débute par un rendez-vous chez le médecin. «En général, vous allez chez un médecin généraliste, qui peut vous envoyer par la suite chez un médecin spécialiste, explique le professeur. La secrétaire inscrit vos données sur une fiche. Elle vous pose des questions : « Votre nom? Votre prénom?… »» Les élèves répètent les phrases. En cas d’incompréhension, professeur et élèves passent par l’anglais. Et quand ceux qui ne parlent pas la langue de Shakespear parlent arabe, Adib, un Syrien de 41 ans en charge de l’organisation du cours, endosse les habits de traducteur. Au final, les élèves parlent le français et comprennent ce qu’ils lisent et disent.
«On a commencé ce cours en décembre (NDLR : le 7), indique Siggy Koenig, aidé par trois autres anciens professeurs (Jeanne Steimetzer, Martine Oth et Monique Langevin). Au début, on leur a appris à déchiffrer les lettres, les prononcer, et lire les mots. Certains sons n’existent pas en arabe comme le « P ». Il faut aussi qu’ils apprennent à lire et écrire de gauche à droite (NDLR : l’arabe se lit et s’écrit de droite à gauche). Et puis l’arabe ne connaît pas « être » et « avoir » alors que, nous, on les utilise tout le temps. Les différences sont nombreuses.»
«Apprendre la langue est la priorité n° 1»
Mais ce n’est pas seulement un cours de langue. C’est aussi un apprentissage du pays. «On lie toujours nos séances à quelque choses de culturel pour qu’ils apprennent à connaître notre pays, indique Siggy Koenig. On leur a parlé du carnaval, du carême, etc. On a aussi évoqué la cuisine luxembourgeoise, on leur a expliqué pourquoi on mange du porc. Aujourd’hui, une relation de confiance s’est établie et on peut aborder tous les thèmes.»
Comme le dit le professeur de cette classe particulière, «l’objectif de ce cours est qu’ils puissent s’exprimer simplement en français pour qu’ils deviennent autonomes».
Un but partagé par ses élèves. «Sans la langue, on est isolés, confie Ghassan (35 ans), ancien professeur d’arabe à Edleb (Syrie). Elle est nécessaire pour vivre, travailler, connaître les lois, échanger avec les gens… Pour tout. Apprendre la langue est la priorité n° 1 dans un nouveau pays.» Nagi (46 ans), ancien marchand à Damas et venu au Grand-Duché avec sa femme et ses deux enfants, confirme : «Apprendre le français va nous permettre de nous intégrer plus vite, trouver un travail, créer des liens avec les Luxembourgeois…»
La pause est terminée. Tout le monde regagne sa place pour passer à l’exercice suivant, intitulé «Une manière facile d’exprimer une obligation : il faut + infinitif». Continuer d’apprendre le français «pour oublier la guerre, dixit Ghassan, et tourner la page.»
Guillaume Chassaing