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La Reine soutient le Brexit ? Buckingham Palace porte plainte


Le Sun a titré en lettres capitales sur sa Une mercredi: "La reine soutient le Brexit". Ulcéré par cette affirmation, Buckingham Palace a répliqué en deux temps. (photo AFP)

Fait exceptionnel, Buckingham Palace a saisi mercredi le régulateur de la presse contre le tabloïd The Sun qui, après des années de lune de miel, multiplie les sorties corrosives contre la monarchie britannique. Cette fois, c’est le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne qui a donné lieu à une passe d’armes musclée entre le premier quotidien du pays et le Palais.

brexitLe Sun a titré en lettres capitales sur sa Une mercredi: « La reine soutient le Brexit ». Ulcéré par cette affirmation, Buckingham Palace a répliqué en deux temps. D’abord, en rappelant « la neutralité politique » qu’observe la reine Elizabeth II depuis 63 ans et en épinglant des « ragots fallacieux basés sur des sources anonymes ». Puis en portant plainte auprès du régulateur de la presse. Selon les spécialistes de la couronne, cette double réaction traduit une grande irritation du Palais vis-à-vis du Sun.

Le tabloïd n’avait-t-il pas déjà titré la veille sur la prétendue « paresse » du prince William, accusé de se la couler douce au ski? Le ton irrévérencieux employé par le tabloïd constitue en tous cas un virage par rapport aux années récentes où, entre jubilé de la reine, bébés royaux et mariage de William avec Kate, la presse britannique faisait plutôt dans le roman à l’eau de rose.

En vérité, la colère gronde depuis quelque temps déjà contre le prince William et son épouse, la Duchesse de Cambridge, accusés de ne rien vouloir dévoiler de leur intimité. Mais toucher à la reine constitue un cran très au-dessus, terrain sur lequel le Sun s’était déjà brièvement aventuré l’été dernier, en diffusant une vidéo tournée au début des années 1930 montrant Elizabeth II, alors âgée d’environ six ans, faisant le salut nazi. Buckingham Palace avait alors fait part de sa « déception ». Mais l’affaire en était restée là.

Cette fois, le Palais a décidé d’aller plus loin avec sa plainte, un geste rarissime. Les précédents remontent à 2012 après la circulation d’images du prince Harry nu dans une chambre d’hôtel de Las Vegas et à 1999 après la publication de photos « topless » de Sophie Rhys-Jones, devenue depuis la Comtesse du Wessex.

« C’est n’importe quoi »

La nouvelle plainte est d’autant plus forte qu’elle vise l’écrit et non l’image. Elle se réfère à la première clause du code de bonne conduite qui dit: « la presse doit faire en sorte de ne pas publier des informations ou des photos qui sont fausses, trompeuses ou déformées, y compris dans les titres qui ne sont ensuite pas confortés par le texte ».

Pour étayer son titre « exclusif et explosif », le Sun s’appuie sur deux sources anonymes. La première rapporte une conversation de la reine avec un groupe de députés « il y a quelques années lors d’une réception à Buckingham Palace ». « Je ne comprends pas l’Europe », aurait dit la souveraine à l’un des parlementaires.

La deuxième source évoque une conversation remontant à 2011 lors de laquelle la reine aurait dit à l’ancien vice-Premier ministre Nick Clegg, un europhile convaincu, que l’UE allait « dans la mauvaise direction ». De là à dire que la reine est pro-Brexit est un pas que beaucoup ont refusé de franchir mercredi. « C’est absurde », a tranché le professeur Vernon Bogdanor, expert en constitution au King’s College de Londres. « La reine sait parfaitement qu’une sortie de l’UE serait le meilleur moyen de détruire le Royaume-Uni puisque l’Écosse voterait ensuite pour son indépendance », a estimé l’ancien ministre libéral-démocrate Edward Davey à la BBC.

Quant à Nick Clegg, il ne se rappelle même pas de la conversation. « C’est n’importe quoi. Je n’ai aucun souvenir de cette conversation et ce n’est pas le genre de choses qui s’oublient », a tweeté l’ancien leader des Lib-dems. Sonder les convictions de la reine constitue l’un des exercices préférés des médias britanniques.

En juin 2015, plusieurs d’entre eux, dont le Sun, avaient ainsi conclu que la monarque était… en faveur d’un maintien dans l’UE, après un discours contre les « divisions de l’Europe » prononcé à Berlin. Mais pour la reine, le Sun semble avoir cette fois poussé le bouchon un peu trop loin.

Le Quotidien / AFP