La percée opérée aux législatives slovaques par un parti néonazi s’explique surtout par la peur des migrants et l’exploitation qu’en a fait le Premier ministre sortant Robert Fico, pensent des politologues à Bratislava.
Pour l’analyste Samuel Abraham, le chef de Notre Slovaquie (LSNS), Marian Kotleba, «est un néonazi» ayant profité de la «rhétorique nationaliste» de Robert Fico. «Le soutien grandissant qu’il obtient ne me surprend pas, observe-t-il. Toute société compte entre 10 et 12% d’extrémistes et la Slovaquie ne fait pas exception». De fait, l’expansion de l’extrême droite slovaque s’inscrit dans le contexte de l’arrivée de plus d’un million de personnes dans l’UE l’année dernière – même si la Slovaquie n’en accueille que 700, selon l’ONU – et de la montée du nationalisme en Europe, du Front National en France au Jobbik en Hongrie.
D’après les réactions des autres partis, le LSNS, qui entre pour la première fois au parlement, où il aura 14 députés, n’a aucune chance de participer à un gouvernement de coalition. Les sociaux-démocrates de M. Fico, tout comme la droite, très fragmentée, refusent de l’envisager. Et ce d’autant plus fermement que leur pays de 5,4 millions d’habitants, membre de la zone euro à la croissance économique solide, doit assumer la présidence tournante de l’Union européenne à partir de juillet.
Or, ultranationaliste, Notre Slovaquie propose de quitter l’Otan et voudrait un référendum sur la sortie de l’Union européenne. «Nous avons dit que, si nous obtenions le mandat des électeurs pour quitter le pacte criminel de l’Otan, nous le ferions. (…) Nous prendrons l’initiative en vue d’un référendum sur la sortie de l’Union», a affirmé dimanche à la télévision Marian Kotleba.
Hostile à la minorité Rom et aux élites en place, nostalgique de l’Etat de Jozef Tiso allié à l’Allemagne nazie, il se propose de «mettre de l’ordre chez les parasites dans les camps» de Roms, de «protéger les gens contre la terreur tsigane» et de combattre la corruption. Kotleba avait axé une partie de sa campagne sur l’opposition à l’accueil de migrants, notamment musulmans, en phase sur cette question avec une partie de la société.
«Jeu dangereux»
Commentant son succès, une experte de l’extrémisme travaillant à l’université Comenius de Bratislava, Alena Kluknavska, en attribue une part de responsabilité à tous les partis non-radicaux. Selon elle, la xénophobie n’est pas une exclusivité slovaque. «La perception publique des gens ethniquement et culturellement définis comme +autres+ est relativement négative en Europe centrale et orientale où le nationalisme touche aussi le courant central de la politique», a-t-elle dit.
Ainsi, Notre Slovaquie a pu profiter du discours hostile aux migrants largement repris par Robert Fico qui, quant à lui, n’y a pas gagné, son parti n’ayant plus que 49 députés sur 150, contre 83 précédemment. Mais c’est à lui qu’incombe la tâche ardue de tenter de constituer une coalition pour former un gouvernement.
Reste que le leader social-démocrate «a joué un jeu très dangereux», relève l’analyste politique Abel Ravasz. «Il a monté en épingle le +danger migratoire+, bien au-dessus de tous ses autres messages. L’extrême droite surfant aussi sur la vague antimigrants, cela a créé un effet de synergie qui l’a propulsée au parlement». Marian Kotleba, 38 ans, n’est pas un nouveau venu dans la vie politique. Enseignant dans le secondaire, puis titulaire d’un master en économie, cet homme musclé à la petite moustache et au crâne dégarni, avait fondé en 2003 un groupuscule ultranationaliste dissous par les autorités en 2006 pour incitation à la haine raciale, nationale et religieuse.
Il se relance en 2012 aux législatives avec Notre Slovaquie dont les militants arborent des uniformes sombres rappelant ceux des fascistes des années 30 ou 40. Le résultat est décevant pour lui. Mais, un an plus tard, exploitant les sentiments antiRoms, il prend la présidence de la région de Banska Bystrica (centre) dont il est originaire.
Le Quotidien/AFP