À la lecture brute des faits, Jérémy Bournon n’avait aucune chance de survivre à l’A31, du côté de Kanfen. Il faisait nuit le 12  février quand le piéton a été percuté par un poids lourd. Dans l’obscurité, le conducteur n’a pas vu le jeune homme le long de la voie.

Au cours de sa garde à vue, le conducteur d’origine allemande a aussi expliqué avoir été attiré par des gyrophares, quelques centaines de mètres plus loin. Policiers et équipes de la Dir-Est s’affairaient à sécuriser une voiture à la portière arrachée par un autre camion. Le véhicule d’un chauffeur de taxi qui venait justement de déposer Jérémy Bournon sur la bande d’arrêt d’urgence. Le dossier est aujourd’hui à l’instruction.

Le chauffeur du poids lourd qui a touché le jeune Mosellan est mis en examen pour homicide involontaire. Le chauffeur de taxi a été entendu. Et laissé libre. Sans être inquiété. La situation ne satisfait pas la famille de Jérémy Bournon. Sa mère a déposé plainte pour homicide involontaire contre les deux conducteurs, et s’est constitué partie civile.

Son avocat, le bâtonnier Marc Hellenbrand, synthétise le fort ressentiment de proches, dignes dans l’épreuve mais à fleur de peau  : « Sans le taxi, on peut estimer que Jérémy n’aurait jamais été là… Mes clients en veulent presque plus au chauffeur de taxi. »

Le drame est survenu à hauteur de Kanfen, juste avant l’échangeur de Volmerange, dans le sens Thionville-Metz. (Photo RL)

Il venait de fêter ses 25 ans

Installé à Gandren, une commune de Beyren-lès-Sierck, Jérémy Bournon venait de fêter ses 25  ans au Luxembourg. Raisonnable, il avait demandé un professionnel pour rentrer chez lui. « Cette fois, il est tombé sur le mauvais qui ne l’a pas ramené à la maison », proteste la mère, avec qui il vivait.

« Ce qui nous gêne , enchaîne l’avocat, c’est qu’on l’a dédouané sur ses seules explications. C’est dérangeant parce que beaucoup de questions se posent. »

La première  : pourquoi le chauffeur de taxi a-t-il emprunté l’A31 qui est loin d’être le chemin le plus évident pour rentrer à Gandren? L’homme avance que la victime voulait se rendre à Thionville. « C’est impossible, il n’y connaissait personne et ne fréquentait aucun établissement! On s’étonne de la direction prise », répondent les proches.

Pourquoi s’est-il arrêté sur la bande d’arrêt d’urgence, à quelques encablures de la sortie d’autoroute pour Volmerange? « On évoque une bagarre nécessitant cet arrêt. Dans le dossier, il n’y a rien d’éclairant », rétorque M e  Hellenbrand, contraint par le secret de l’instruction.

Pourquoi, encore, une course poursuite s’est-elle engagée sur la bande d’arrêt urgence en direction du Luxembourg entre le chauffeur de taxi et la victime? « C’est incompréhensible en l’état , relaie l’avocat thionvillois. Le problème, c’est qu’il n’y a plus qu’un témoin de l’affaire. Le décharger de toutes responsabilités à travers ses explications, c’est pour le moins rapide. Il reste beaucoup de choses à faire et d’éléments à exploiter. » Pour lever le voile sur toutes les zones d’ombre d’un dossier aujourd’hui opaque.

Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)