Le MNHA présente un maître du dessin, l’Américain H. Craig Hanna. Un peintre qui remet la figuration au goût du jour, grâce à une pratique rare sur plexiglas, des couleurs à gogo, des portraits touchants et une maîtrise technique bluffante. À découvrir d’urgence !
C’est un «coup de cœur» que présentera jeudi le musée national d’Histoire et d’Art à travers une cinquantaine d’œuvres aux effets de couleur et de composition saisissants, jouissant notamment d’une technique avant-gardiste (peinture sur plexiglas). H. Craig Hanna, un ingénu dévoilant une nouvelle facette de la peinture figurative contemporaine.
Sa beauté happe quiconque passe devant elle pour ne plus le lâcher. Malgré cette douleur sourde qui la caractérise, elle rayonne d’un charme tout en retenu, tout en pudeur. Elle rappelle, dans sa posture quasi biblique, les lignes géométriques de Léonard de Vinci, tout en évoquant les corps meurtris chers à Lucian Freud. Une boule de chair à vif intitulée avec justesse Grace.
« C’est une vraie Pietà! À chaque fois que je la vois, j’ai les larmes qui me viennent », bondit Laurence Esnol à propos de cette toile addictive. Sa galerie parisienne, elle, s’est assurée, maligne, l’exclusivité de son auteur génial.
Cet ingénu, c’est H. Craig Hanna, né en 1967, discret Américain qui découvre là le Luxembourg et les « charmes » du MNHA. « C’est un superbe musée! », lâche cet artiste qui, entre Londres et Paris, revisite l’histoire de la peinture européenne avec l’œil d’un maître-dessinateur et la singularité d’un artiste de son temps.
Son autoportrait est, à plus d’un titre, révélateur de sa démarche. Il est nu, au premier plan, comme un enfant qui doit tout apprendre, et autour de lui sont représentées la technique et les conventions artistiques : palette, chevalet, toiles pots de peinture et reproductions de maîtres. Serait-il le résultat de « 600 années de traditions », comme il le rappelle?
Ce qui est sûr, c’est que l’histoire s’invite dans son œuvre, lui qui s’est forgé au Louvre et à Florence, notamment : on y trouve des influences avec la tradition des Maîtres Anciens, mais aussi d’autres, plus modernes.
Chez lui, Le Titien, Rembrandt, Vélasquez côtoient Klimt, Schiele, Bacon, Freud, mais aussi Bonnard ou Vuillard et même le dessinateur Enki Bilal, à travers des toiles aux proportions généreuses. Un peu comme des aquarelles qui auraient été agrandies, dans un chaos et un hasard maîtrisés. « Ça me permet de jouer avec mes peintures, et de prendre du plaisir », soutient l’artiste, « sensible et délicat », du bout des lèvres.
«Avec distance et respect»
L’accrochage d’une cinquantaine d’œuvres emblématiques de l’évolution de H. Craig Hanna au cours de ces dernières années, donne à découvrir une nouvelle facette de la peinture figurative contemporaine. Ici, les croquis et dessins conduisent à la peinture à huile, qui elle-même amène vers une technique avant-gardiste, celle du plexiglas.
« J’arrivais à mes limites, et je trouvais que mon travail n’était pas assez « moderne ». Je savais qu’il fallait trouver un procédé qui rende la peinture visuellement différente », explique-t-il. Ainsi, après le bois, le plexiglas va le combler.
« Pour l’effet rendu et cette quête de modernité, c’était le mieux! » Ainsi, ses portraits – de modèles professionnels, de danseurs, comme d’inconnus rencontrés dans la rue – semblent vouloir s’affranchir du cadre et s’évader vers d’autres horizons, comme H. Craig Hanna le fait quand il se perd dans la nature et ses soubresauts.
« J’aime alterner les figures et les paysages », précise l’artiste. Passer, en somme, du tourment des corps à l’apaisement de la nature, son entourage confiera que ses vertes excursions sont « thérapeutiques ».
Au MNHA, toutefois, l’essentiel des œuvres présentées s’attache à cette vulnérabilité de la condition humaine, ces visages aux couleurs folles, ces chairs exacerbées, le tout, sans aucune mise en scène, ou très peu, comme ce tableau ( Arrangement of Dancers ) où, fait rare chez H. Craig Hanna, plusieurs personnes partagent la surface. C’est justement cette toile, d’un beau gabarit, qu’a acheté le MNHA pour garnir sa collection.
Les autres portraits, plus ou moins grands, plus ou moins garnis, relatent d’une esthétique exceptionnelle. L’artiste, toujours à la recherche du beau, ne se cache pas pour autant derrière. Lui, dit-il, désire « la vérité », plus que tout. « Quand je passe six heures avec un modèle, je vois en lui. » Tel un attrapeur d’âmes, il peint ce qu’il voit à l’intérieur, « avec distance et respect ».
Des toiles brutes, dépouillées de tout calcul. Des émotions pures qui captent les énergies sans faire de détour par le cérébral. Des regards hypnotiques. Des corps troublants. Tout l’impact du travail d’un homme parmi les hommes, qu’il sait si bien magnifié.
Grégory Cimatti
Musée national d’Histoire et d’Art – Luxembourg (lien vers la présentation de l’expo). Vernissage jeudi 3 mars à 18h30. Jusqu’au 26 juin.