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Migrants : l’UE cherche à mettre fin à la cacophonie


Des migrants font la queue pour une distribution de nourriture à Gevgelija à la frontière entre la Macédoine et la Grèce le 24 février 2016. (Photo : AFP)

De vives tensions entre la Grèce et l’Autriche ont à nouveau dominé jeudi une rencontre des pays de l’UE à Bruxelles, visant pourtant à mettre fin à la cacophonie face à l’afflux de migrants qui fait désormais craindre une «crise humanitaire» sur la route des Balkans.

Montrée du doigt par plusieurs pays emmenés par l’Autriche qui lui reprochent de ne pas suffisamment protéger une des frontières extérieures de l’UE, la Grèce a vivement répliqué, au cours de cette réunion des ministres de l’Intérieur des 28.

«L’Autriche nous traite comme des ennemis», a notamment lancé le ministre grec Yannis Mouzalas devant ses homologues, selon une source diplomatique, tandis que, dans le même temps, Athènes convoquait son ambassadrice à Vienne. Cette convocation vise à «conserver les bonnes relations entre les deux pays et les peuples de Grèce et d’Autriche», ont expliqué les autorités grecques dans un communiqué.

«La Grèce n’acceptera pas de devenir le Liban de l’Europe», a fermement averti de Bruxelles Yannis Mouzalas, les réfugiés syriens représentant désormais le quart de la population du pays du cèdre.

La Grèce isolée

La Grèce se sent en effet de plus en plus livrée à elle-même. Depuis début janvier, plus de 102 000 migrants ont ainsi gagné ce pays par la Méditerranée, selon l’Organisation internationale pour les migrants (OIM). Des centaines de migrants marchaient sur les routes grecques jeudi en direction de la frontière avec la Macédoine, au nord de la Grèce, les autorités grecques limitant le nombre des autocars pour s’y rendre afin de ne pas aggraver l’encombrement au poste d’Idomeni.

«Ils ne veulent pas attendre les cars pour les transférer. Et ni l’armée, ni la police ne peut les arrêter car il y a le risque (d’incidents)», a témoigné le maire de Thessalonique Yannis Boutaris. La Grèce est d’autant plus débordée que le plan de répartition des demandeurs d’asile arrivés sur son sol dans d’autres pays de l’UE peine toujours à être mis en œuvre. Moins de 600 réfugiés ont été «relocalisés» à partir de l’Italie et de la Grèce ces derniers mois, sur les 160 000 qui doivent l’être en deux ans.

Dans ce contexte, la décision de la Macédoine de refuser le passage aux Afghans à sa frontière avec la Grèce, et d’exiger des Syriens et Irakiens des papiers d’identité, a alourdi la tâche des Grecs et plongé dans le désarroi des migrants déboussolés devant les frontières qui se ferment. L’Autriche et la Slovénie ont été invitées jeudi à expliquer à leurs homologues le filtrage décrié des migrants qu’elles appliquent désormais à leurs frontières et qui a provoqué un engorgement en Grèce.

«Les initiatives isolées ne mènent nulle part», a lancé le commissaire européen chargé du dossier, Dimitris Avramopoulos, à son arrivée à la réunion des ministres de l’Intérieur des 28. «L’unité de l’Union et des vies humaines sont en jeu», a-t-il insisté. L’enjeu d’une réponse collective est d’autant plus grand que la menace d’une «crise humanitaire» plane désormais sur certains pays, en particulier la Grèce, insiste la Commission.

«Signal clair»

L’exécutif européen a une nouvelle fois appelé les Etats membres à mettre fin à la politique du «laisser-passer», mais elle a insisté sur le fait que cela devait être réalisé de manière concertée. L’Autriche, qui a instauré un quota quotidien de demandes d’asiles acceptées et un quota de 3 200 migrants en transit à laisser traverser son territoire, est particulièrement visée par Bruxelles. Ce pays s’est défendu en expliquant avoir voulu, avec des Etats des Balkans, envoyer «un signal clair» sur sa volonté de «réduire le flux des migrants» se dirigeant vers le nord à partir de la Grèce.

Si la Grèce n’est pas capable de protéger une des frontières extérieures de l’UE, «peut-elle encore être une frontière extérieure de l’espace Schengen» ?, s’est interrogée la ministre autrichienne Johanna Mikl-Leitner, évoquant à nouveau une exclusion de la Grèce de l’espace européen de libre-circulation, pourtant juridiquement impossible.

Plusieurs pays de l’Est ont également formulé de vives critiques à l’encontre des Grecs jeudi à Bruxelles. «Le ministre français leur a demandé de cesser d’accabler la Grèce, et de plutôt l’aider», a dit une source diplomatique. Les 28, qui continuent de voir dans la Turquie l’un des principaux protagonistes dans la crise en cours, ont aussi accueilli jeudi le vice-ministre de l’Intérieur turc, Sebahattin Öztürk.

L’objectif était de faire le point sur les efforts d’Ankara pour freiner les arrivées de migrants dans l’UE. «C’est une priorité», a martelé le ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière. Malgré les engagements de la Turquie, ces flux restent «beaucoup trop élevés», ne cessent de répéter les dirigeants européens, dont les yeux sont plus que jamais tournés vers un nouveau sommet qui sera consacré à la question le 7 mars à Bruxelles.

AFP