La consommation légale de cannabis conquiert chaque année davantage l’Amérique: elle était autorisée fin 2015 dans 23 Etats et la capitale Washington DC, et 2016 devrait marquer un tournant pour ce marché naissant estimé à près de 22 milliards de dollars en 2020.
Début 2016, 86% des Américains vivaient dans un État autorisant d’une façon ou d’une autre la consommation de cannabis (médical et/ou récréatif). Et, selon John Kagia, directeur de la société New Frontier, cette année devrait être un «point de basculement» puisque onze États devraient se prononcer sur le sujet, dont sept pour un usage récréatif.
Le marché du cannabis légal «va être très, très compétitif dans les cinq prochaines années», a-t-il relevé lors d’une conférence cette semaine à Washington. Si la détention, la vente et la consommation de marijuana reste illégale au niveau fédéral, elle est autorisée à des fins récréatives dans quatre États (Colorado, Washington, Alaska, Oregon) et la capitale fédérale Washington DC.
Cela fera tout juste un an vendredi que la capitale a légalisé le cannabis à des fins récréatives: chaque adulte peut notamment posséder jusqu’à 56 grammes, de quoi confectionner 80 cigarettes, et cultiver six plants. Mais le Congrès américain, qui a la tutelle de la capitale fédérale, a empêché la municipalité de réguler ce marché. Par conséquent, il est toujours interdit de vendre et d’acheter du cannabis à Washington DC.
Depuis le feu vert en 2012 des pionniers récréatifs de l’Ouest (Colorado et Washington), les ventes progressent de 30% par an en moyenne, selon une étude de New Frontier et Arcview Group, société de conseils financiers spécialisée dans l’industrie du cannabis.
Elles atteignaient 4,6 milliards en 2014, et devrait bondir à 21,8 milliards en 2020. Une explosion due surtout à la dépénalisation croissante de la consommation récréative: le cannabis médical représentait 92% du chiffre d’affaires en 2014, mais sa part devrait reculer à 47% dans quatre ans.
Entrepreneurs en herbe
Un véritable marché est en train de germer: plantations industrielles, produits alimentaires, matériel pour cultiver à domicile ou pour consommer, formation pour lancer son entreprise ou pour apprendre le b.a.-ba de la culture chez soi… Si les entrepreneurs en herbe sont nombreux à vouloir tenter leur chance dans cette nouvelle aventure, les Etats s’y retrouvent également.
Ainsi, les caisses du Colorado ont engrangé 135 millions de dollars en impôts et licences pour près d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier (700 millions en 2014), selon le Denver Post. L’État de Washington a récupéré la première année 70 millions, pour des ventes de 257 millions grevées par une pénurie.
A mesure que l’Amérique succombe au cannabis légal, la concurrence s’accroit et les règlementations et taxations différentes créent parfois des tensions entre Etats voisins. Selon la Commission de contrôle de l’alcool de l’Oregon (OLCC), également chargée de superviser la marijuana récréative, cet Etat prélève au producteur 35 dollars par once (28 grammes) quand l’Etat de Washington prend 25% à chaque point de vente (gros et détail) et que le Colorado récupère une contribution de 15% sur le gros en plus de la taxe locale sur la valeur ajoutée.
La culture personnelle est permise jusqu’à 4 plants dans l’Oregon, 6 plants dans le Colorado mais est interdite dans l’Etat de Washington, indique l’OLCC.
Outre ces disparités réglementaires, le cannabis légal flirte avec la loi fédérale et le futur occupant de la Maison Blanche pourrait faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, ont relevé plusieurs experts lors de la conférence Cannashow à Washington DC.
Lutte contre la discrimination
Autres sujets d’inquiétudes ou d’incertitudes: toutes les transactions doivent se faire en liquide faute de services bancaires, une éventuelle intervention du Congrès, ou encore une guerre des prix (une livre coûte au gros 700 dollars en Californie, 1 800 au Colorado). La «cannaculture» est avide d’eau et surtout d’électricité pour maintenir chaleur et humidité optimales.
Selon New Frontier, c’est la culture la plus gourmande en électricité aux Etats-Unis, consommant 1% de la production (équivalent de 1,7 million de foyers) pour un coût annuel de 6 milliards. L’électricité pèse jusqu’à 50% du prix de gros. Pour ses partisans, la légalisation a des vertus sociales comme la lutte contre la discrimination -91% des arrestations à Washington DC concernent des Noirs-, ou contre l’engorgement des tribunaux et des prisons.
Selon Neill Franklin, commandant de police à Baltimore à la retraite et cadre de l’organisation Forces de l’ordre contre la prohibition (LEAP), 500 000 à 600 000 personnes sont arrêtées chaque année à cause du cannabis. Environ 88% sont inculpées pour simple détention, relève l’Organisation nationale pour la réforme de la législation sur le cannabis (NORML).
AFP
A quand des articles sur l’opportunité d’une légalisation dans notre pays?