La banque centrale de Russie, pressée jusqu’alors de baisser ses taux pour atténuer la récession, change de cap face à la débâcle des prix du pétrole, au point de menacer vendredi de serrer encore la vis du crédit pour garder le rouble et l’inflation sous contrôle.
Les perspectives se sont brusquement assombries en ce début d’année pour la Russie qui tire la moitié de ses rentrées budgétaires des ventes d’hydrocarbures. Le pays, également visé par des sanctions économiques en raison de la crise ukrainienne, se prépare désormais à une deuxième année de récession et de baisse du niveau de vie de ses habitants.
La Banque de Russie tenait vendredi sa première réunion de politique monétaire depuis un nouveau dérapage du rouble, tombé les 20 et 21 janvier au plus bas niveau de son histoire face au dollar. Même si la monnaie russe s’est depuis nettement redressée, l’institution a musclé le ton dans son communiqué.
Après avoir promis en décembre de baisser son taux directeur prochainement, elle l’a finalement maintenu à 11%, un niveau très lourd à porter pour l’activité économique. Et à l’avenir, elle «n’exclut pas de durcir sa politique monétaire en cas de renforcement des risques inflationnistes».
Une hausse de taux a tendance à soutenir le cours d’une monnaie tandis qu’un abaissement pèse sur sa valeur.
«Ce spectaculaire changement de tonalité est clairement le résultat de la chute récente des prix du pétrole», constate Liza Ermolenko, du cabinet Capital Economics. «Pour autant, vu la faiblesse de l’économie, il faudra une chute bien plus forte des cours du pétrole et du rouble pour déclencher une hausse de taux», a-t-elle concédé.
En sapant la valeur de la monnaie russe, la dégringolade du marché du pétrole met la pression sur les prix, même si le taux d’inflation est passé de 12,9% fin décembre à 10% fin janvier, explique la banque centrale. L’institution craint une nouvelle accélération au deuxième trimestre et ne limite pas ses motifs d’inquiétude aux prix: si les cours du brut restent faibles, selon elle, c’est la stabilité financière tout entière qui pourrait être menacée.
Crise inédite pour Poutine
Ces commentaires «sont extrêmement durs», ont jugé les économistes de la banque Alfa, qui y voient la volonté de «calmer le marché» après «la volatilité extrême du marché des changes» la semaine dernière.
Au vu de ce communiqué, «une baisse de taux est peu probable en 2016», ont-ils avancé. «Dans le même temps, relever le taux ne serait pas viable et nous prévoyons un statu quo lors de la prochaine réunion de la banque centrale le 18 mars», ont-ils ajouté.
Une hausse de taux constituerait en effet un nouveau choc pour une économie en pleine crise alors que de nombreux chefs d’entreprises et le gouvernement n’ont pas caché espérer une politique plus souple au plus vite.
La banque centrale elle-même a reconnu vendredi que les perspectives étaient moroses: la baisse du produit intérieur brut cette année «sera plus marquée que ce qui était prévu dans le scénario de base», soit entre -0,5% et -1%. «La croissance du PIB redeviendra positive en 2017 mais à un faible niveau», ajoute-t-elle.
La Russie a déjà subi un recul de 3,7% de son PIB en 2015. Si le scénario d’une deuxième année de récession se confirme, il s’agira d’une situation inédite depuis l’arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine en 2000.
Le président, qui a construit sa popularité grâce à la hausse du niveau de vie permise par la manne pétrolière lors de ses deux premiers mandats, a reçu vendredi, pour la deuxième fois cette semaine, la présidente de la banque centrale Elvira Nabioullina et le ministre des Finances Anton Silouanov.
Le gouvernement s’active actuellement pour trouver de nouvelles coupes budgétaires mais aussi des mesures de relance, chiffrées jeudi à 750 milliards de roubles (9 milliards d’euros).
AFP/M.R.