Toujours plus nombreux, les travailleurs frontaliers exercent une influence sur la démographie du Pays-Haut. Toutes les communes ne sont toutefois pas logées à la même enseigne.
De ses collaborations successives avec Gérard Longuet et Jean-Pierre Masseret, présidents de l’ex-conseil régional de Lorraine, Jean-Luc André a conservé le goût des études. Alors, aujourd’hui encore, le Longovicien ne se fait pas prier pour plonger le nez dans les données d’un sujet qui lui tient à cœur : le travail frontalier. Autrement dit : la soupape de sécurité qui permet au Pays-Haut d’éviter de sombrer un peu plus dans le chômage et de ne pas être frappé d’exode.
Car Jean-Luc André est formel : « Si la démographie de la Lorraine stagne, elle progresse dans les arrondissements de Thionville et de Briey-Longwy. Le tout grâce aux travailleurs frontaliers ! »
À l’appel
Se référant aux chiffres de l’Insee et de son homologue luxembourgeois Statec, le consultant longovicien insiste : « Entre 2008 et 2013, soit la période de crise économique chez nous, le Luxembourg a créé 37 000 emplois supplémentaires. » Ce énième cadeau du ciel grand-ducal aurait directement profité à 15 000 frontaliers, des Lorrains pour moitié. De quoi renforcer les rangs des étrangers travaillant au Luxembourg. Un effectif multiplié par 12 depuis 1983 ! Ainsi, en 2013, le pays du carburant et du tabac bon marché recensait 76 200 travailleurs frontaliers lorrains, 36 400 allemands et 35 600 belges. « Selon les estimations, les Français seront 90 000 à aller travailler au Luxembourg à l’été 2016. »
À la maison
À l’échelle du bassin de Longwy, le phénomène a bien entendu une heureuse conséquence : « Une augmentation de la population. En 5 ans, on compte 1 170 frontaliers de plus dans les cantons de Longwy, Villerupt et Mont-Saint-Martin. Soit un gain de quasiment 2 000 habitants. » Le canton de Briey profite également de cette évolution (+ 1 130 âmes entre 2008 et 2013). Seul le canton de Jarny, plus éloigné, est à la peine (- 519 habitants). Au bout du compte, dans l’arrondissement de Briey-Longwy, pas moins de 22 000 personnes sont désormais employées à l’étranger.
Pour autant, dans les ensembles administratifs en essor, toutes les communes ne sont pas logées à la même enseigne. « Dans le territoire de la communauté de communes de l’agglomération de Longwy par exemple, trois villes souffrent : Longwy (- 117 habitants), Herserange (- 140) et Mont-Saint-Martin (- 157). »
À l’inverse, Lexy bat tous les records avec un gain de 552 âmes. Cosnes-et-Romain tire également son épingle du jeu, avec 304 habitants de plus au compteur. Jean-Luc André voit dans ces variations une affaire de logement : « Les frontaliers veulent accéder à la propriété. Dans ces conditions, les communes qui privilégient la création de lotissements sont gagnantes. Et forcément, celles qui misent sur les logements sociaux s’en sortent moins bien. »
À la manœuvre
Les frontaliers rêvent aussi de voir leurs trajets simplifiés. « Il faut savoir que 85 % d’entre eux se déplacent en voiture. Ils ne sont que 10 % à prendre le train. Or, en termes d’infrastructures routières et de cadencement ferroviaire, force est de constater qu’on ne fait pas grand-chose pour eux », martèle Jean-Luc André. Car étrangement dans ce domaine, les frontaliers ne parviennent pas à peser de tout leur poids.
Yannick Pagliuchi (Républicain Lorrain)