La Commission européenne lance jeudi son offensive contre l’optimisation fiscale des multinationales qui lèse chaque année les Etats de l’UE de dizaines de milliards d’euros.
«Pour éviter d’être taxées, certains compagnies abusent des failles dans les 28 systèmes nationaux de l’UE. Selon une récente étude du Parlement européen, le manque à gagner serait compris entre 50 et 70 milliards d’euros par an», déplore le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici qui doit présenter ce plan jeudi lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
Selon lui, cette somme représente l’équivalent du budget de la Bulgarie. «C’est de l’argent pris à nos hôpitaux, écoles, transports, et tout autre service public vital», a-t-il martelé lors d’une rencontre récente avec quelques journalistes.
Et les petites entreprises européennes locales en sont aussi victimes: «Elles payent 30% d’impôts en plus que les multinationales, un handicap pour leur compétitivité», a pointé Pierre Moscovici. Pour combattre ces pratiques, la Commission européenne présentera jeudi deux directives, adoptées mercredi par ses 28 membres réunis en collège.
Ces directives surviennent dans la foulée d’un plan présenté le 5 octobre dernier par l’OCDE, organisation regroupant une trentaine de pays développés. Baptisé BEPS (Base Erosion and Profit Shifting, terme anglais désignant l’optimisation fiscale), ce plan promettait «la fin de la récréation» pour les multinationales soucieuses d’échapper au fisc.
Il avait été adopté le 16 novembre dernier par les chefs d’Etat et de gouvernement du G20 lors de leur sommet d’Antalya (Turquie).
«Un premier pas»
La première des deux directives concerne l’un des points clefs du plan de l’OCDE: l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales des pays de l’UE sur les activités des multinationales. Ces dernières seront obligées de détailler leurs résultats et leur charge fiscale pays par pays.
«Pour moi, c’est un premier pas. Ce n’est pas la fin de l’histoire, nous appliquons pour l’instant les recommandations de l’OCDE», a souligné Pierre Moscovici. Il souhaiterait aller plus loin en «rendant cela public pour les contribuables».
Réclamée par les ONG qui mettent en avant son caractère dissuasif, la publication au grand public de ces informations est controversée: le patronat européen craint que l’Europe soit la seule à le faire, ce qui avantagerait leurs concurrents basés dans d’autres pays.
Avec la seconde directive, la Commission veut «taxer les profits dans le pays dans lequel ils sont générés». «C’est le principe de l’imposition efficace, la clé d’un nouveau système fiscal européen des entreprises», explique le commissaire européen.
Actuellement, nombre de multinationales exploitent les divergences entre législations nationales et les subtilités de la comptabilité pour être taxées le moins possible, au besoin en transférant leurs bénéfices vers des paradis fiscaux. Le tout dans une zone grise par rapport à la légalité.
Pierre Moscovici s’est montré confiant de voir les mesures proposées par la Commission adoptées rapidement par le Parlement européen et les Etats membres de l’UE.
Selon lui, les Pays-Bas, qui assurent au premier semestre la présidence de l’UE, partage sa volonté d’avancer vite. «Nous espérons arriver à un accord au moins sur des principes sous la présidence néerlandaise» (d’ici la fin juin, ndlr), a-t-il promis.
Ce plan s’insère dans la lutte contre l’opacité fiscale lancée par la Commission européenne après l’éclatement du scandale LuxLeaks en novembre 2014. Ce scandale avait profondément terni l’entrée en fonction de Jean-Claude Juncker en tant que nouveau président de la Commission.
Il avait mis en effet en lumière un système d’évasion fiscale à grande échelle des multinationales et particulièrement le rôle joué par certains Etats, comme le Luxembourg, à une époque où M. Juncker était à la fois Premier ministre et ministre des Finances.
Ce dernier avait alors promis une lutte sans merci contre l’opacité fiscale.
AFP/M.R.