Il compte les plus importantes réserves pétrolières au monde mais vit sa pire crise en 30 ans: le Venezuela s’enfonce dans la débâcle économique à mesure que les prix du brut baissent, ne parvenant pas à faire entendre sa voix à l’Opep.
«La crise est sévère, les revenus s’effondrent et le risque pays explose», résume l’économiste Luis Vicente Leon.
«La chute du prix du pétrole est une catastrophe pour le flux de liquidités mais si le pays faisait défaut, ce serait un suicide, le gouvernement le sait», ajoute-t-il, dans un climat déjà difficile pour le président socialiste Nicolas Maduro, défait par l’opposition aux élections législatives de décembre.
Dans un marché mondial pétrolier marqué par un excès d’offre et une demande faible, le baril de brut vient de chuter à son plus bas niveau en 12 ans, sous les 30 dollars. Un coup dur pour l’économie vénézuélienne, qui tire du pétrole 96% de ses devises, essentielles pour financer ses importations.
Avec un baril à ce prix, l’Etat finira l’année sur un déficit de liquidités de 27 milliards de dollars, estime l’économiste Asdrubal Oliveros, du cabinet Ecoanalitica. Et alors que ses recettes ont plongé de 70%, le pays accumule des dettes commerciales d’environ 12 milliards de dollars. Selon le Fonds monétaire international (FMI), son PIB chutera de 8% cette année.
Au quotidien, les habitants souffrent d’une des pires inflations au monde (141,5% sur un an en septembre) et d’une pénurie touchant plus de deux produits de première nécessité sur trois. Chaque jour, ils sont des milliers à faire la queue pendant des heures devant les supermarchés, pour acheter de la farine, du riz ou du café.
« Catastrophique »
M. Maduro admet lui-même que la situation est «catastrophique». Mais jusqu’à présent, ses efforts pour y remédier ont été vains. Depuis plus d’un an, il mène campagne auprès de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), à qui il vient de proposer une réunion extraordinaire pour février, afin de définir une stratégie commune qui freinerait la chute des cours.
Mais le Venezuela n’a plus le pouvoir qu’il avait auparavant, quand le défunt président Hugo Chavez surfait sur un prix du brut très élevé pour mener une «pétro-diplomatie» et défier l’hégémonie des États-Unis. Malgré les demandes de Caracas, l’Opep, menée par les pays du Golfe, refuse de réduire sa production, espérant ainsi noyer la concurrence du pétrole de schiste des États-Unis.
Une politique que M. Maduro qualifie de «suicide», surtout pour le Venezuela qui n’a pas, contrairement aux producteurs arabes, les ressources nécessaires pour résister à ce qu’il appelle «une guerre géopolitique contre le pétrole». Pour avoir les liquidités suffisantes, le Venezuela, qui produit 2,65 millions de barils par jour selon l’Opep, a besoin d’un baril à 80 dollars, ce qui n’est pas prêt d’arriver en 2016.
« Thérapie de choc »
Le pays sud-américain ne pourra éviter une «thérapie de choc» et devra «suivre le chemin des réformes» pour réduire sa dépendance au pétrole, estime Christopher Dembik, économiste de la banque française Saxo Banque. Une solution, très risquée politiquement, serait d’augmenter le prix de l’essence: fortement subventionnée, elle est facturée au prix le plus bas au monde, 0,015 dollar le litre.
«Compte tenu du contexte international et des déséquilibres internes, il y a une opportunité en or» de supprimer cette subvention, qui a coûté au pays 29 milliards de dollars ces trois dernières années et alimente la contrebande à la frontière avec la Colombie, selon Asdrubal Oliveros.
«L’heure est venue», a reconnu Nicolas Maduro il y a peu devant le Parlement, estimant que le pays doit faire le «saut» de l’économie de rente pétrolière à une économie productive.
Une campagne médiatique tente de sensibiliser la population sur ce thème, en expliquant qu’il serait fou de vendre une empanada à un prix bien inférieur au coût de production, avec ce slogan: «C’est la même chose avec le prix de l’essence, qui vaut 35 fois moins que ce que cela coûte de la produire».
C’est «absurde», glisse un automobiliste en faisant le plein à une station-essence de Caracas: «Je paie avec un billet de 20 bolivars, quatre pour l’essence et le reste en pourboire».
AFP