Aux États-Unis, plusieurs sociétés spécialisées dans la collecte et le traitement de données sur les citoyens aident les partis à mieux cibler les électeurs pendant les campagnes, sans que les Américains sachent que leurs informations sont utilisées de la sorte.
Récemment médiatisée par l’affaire du vol de données d’Hillary Clinton par l’équipe de son rival Bernie Sanders, NGP VAN est l’une des principales entreprises de ce secteur. Elle gère la base de données du Parti démocrate.
Combien de personnes sont dans ce fichier ? « Tout le monde », lance en riant Kevin Thurman, un ancien responsable internet de la campagne d’Hillary Clinton en 2008. « Tous les électeurs inscrits depuis 2004, et un peu plus même, puisque certains sont morts depuis. »
L’entreprise estime ce nombre à environ 195 millions de personnes, bien plus que les 142 millions de personnes actuellement inscrites sur les listes (à 18 ans, cette inscription ne se fait pas automatiquement). Les fichiers incluent même des adultes qui ne votent pas mais que les campagnes espèrent mobiliser.
Tous les candidats démocrates, d’une simple élection locale à l’élection présidentielle, font appel à NGP VAN. L’entreprise aide les candidats à mieux cibler leurs électeurs potentiels en évitant ceux qui ne voteront jamais pour eux, et ainsi à réduire les coûts de campagne.
« Si vous êtes l’équipe de Donald Trump, vous n’allez pas perdre du temps et de l’argent à cibler les supporteurs de Clinton », résume Brandi Travis, la porte-parole d’Aristotle, une des principales concurrentes de NGP VAN.
Depuis 2004, le Parti démocrate collecte des informations sur les électeurs américains, sur leur état civil et l’historique de leur participation, qui permet de dire à quelles élections ils ont voté. Ce sont des données publiques. Les républicains ont eux aussi recours à un système similaire.
Des partis français s’y intéressent pour 2017
Via des courtiers, le parti achète ensuite des données que possèdent les entreprises privées sur leurs clients. Les supermarchés CVS vendent par exemple ces informations. Pareil pour le lobby des armes, la National Rifle Association, qui transmet certaines données sur ses membres.
« Ils se renseignent également pour savoir à quels magazines vous êtes abonné », détaille Kevin Thurman. Les clients ne le savent pas forcément, mais tout cela est légal, en l’absence d’encadrement par la loi.
« Ils veulent savoir quels types de produits achètent les gens en magasin », confirme Sasha Issenberg, journaliste américain auteur d’un livre sur la question. Ces entreprises monnaient également l’adresse mail de leurs clients, donnant facilement accès à leur profil Facebook quand il est laissé ouvert.
Grâce à ces données, compilées, croisées et analysées par le logiciel développé par NGP VAN, les stratèges de campagne savent à qui ils ont affaire et peuvent mieux calibrer leur message. Une femme de 30 ans, habitant dans une grande métropole et abonnée à un magazine de littérature a ainsi plus de chances de voter pour Hillary Clinton qu’un homme de 60 ans, abonné à un magazine sur les armes à feu et vivant dans une zone rurale du sud du pays.
NGP VAN n’est pas la seule entreprise dans ce secteur en pleine croissance. Elles sont plusieurs dizaines dans ce domaine. Certaines, comme Aristotle, constituent elles-mêmes leur propre base de données. L’entreprise NationBuilder dit même avoir été approchée par des partis politiques français en prévision de la présidentielle de 2017.
Ces entreprises rappellent que toutes ces données sont acquises légalement, même si les Américains ne savent pas que les partis pénètrent de la sorte dans leur vie privée. « Quand vous cliquez sur ce bouton j’accepte sans avoir lu les conditions, vous autorisez les entreprises à vendre vos données », précisent les spécialistes.