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Les contours de la BD sur tablette se dessinent


Balayer un écran plutôt que de feuilleter des planches ? La bande dessinée numérique commence à émerger sur le marché francophone, grâce à un large catalogue et des prix bon marché, mais le bel album a encore de beaux jours devant lui.

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Grâce aux plateformes de distribution payantes, les éditeurs espèrent aussi lutter contre l’offre illégale car « la BD est le genre le plus piraté de la littérature », notent les spécialistes. (Photos : AFP)

Dopée par la diffusion des tablettes, idéales pour zoomer les cases, la vente d’œuvres numérisées, quasi-inexistante il y a quatre ans, a atteint 1,5 million d’euros l’an dernier avec 400 000 albums vendus. Un quart des acheteurs sont non-francophones. Mais le numérique pèse moins de 4% du marché de la BD en France, contre 15% en Grande-Bretagne et 25% aux États-Unis, « ce qui nous laisse une marge de progression », souligne Nicolas Lebedel, directeur des ventes d’Izneo, l’une des premières plateformes de BD en ligne francophone.

Izneo est né d’une collaboration entre une douzaine de grands éditeurs français, pour résister aux Apple et autres géants américains, a expliqué Claude de Saint Vincent, président de Dargaud, qui dirige aussi Izneo. Lancée en 2010, Izneo propose maintenant plus de 10 000 albums dont ceux de Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Casterman, Fluide Glacial, Bamboo ou Gallimard — mais pas Tintin.

En face, il lui faut maintenant compter avec le leader mondial du marché, l’américain comiXology, racheté par Amazon au printemps 2014. Souvent surnommé « l’iTunes des comics » (autrement dit la BD américaine), il référence 75 éditeurs américains et 70 000 titres, et revendique depuis sa création en 2007 plus de 200 millions de téléchargements, surtout des comics américains. Mais le groupe a désormais de grandes ambitions sur le marché franco-belge.

Depuis 2013, il a déjà signé avec une quinzaine de grands éditeurs français, comme Delcourt, les Humanoïdes Associés ou Glénat. Un éditeur comme Glénat signe sans hésiter avec tous les e-commerçants. « Je veux que mon offre soit disponible sur un maximum de plateformes », souligne son responsable numérique, Sébastien Celimon. « Nos ventes numériques ont triplé en 2014, la moitié sont des mangas. Je vends surtout sur l’application iBooks d’Apple, sur Izneo, comiXology et BDbuzz. Il y a une vraie progression, même si à l’échelle de Glénat le chiffre d’affaires reste encore anecdotique ».

> Achat immédiat

ComiXology, présent pour la 3e fois à Angoulême, parie sur un outil de lecture innovant qui permet de manipuler à son gré les cases et les bulles. Le marché profite aussi du goût des fans de BD pour des achats immédiats, voire compulsifs, et de prix 30 à 50% inférieur à un imprimé. Les BD sur écran ont aussi séduit un nouveau public d’utilisateurs de tablettes.

Autre avantage, des offres nouvelles. Sur Izneo, les acheteurs peuvent s’abonner à 10 euros par mois pour une lecture illimitée, choisir entre lecture en ligne et téléchargement ou encore voir les 5 premières pages d’une œuvre, une formidable vitrine pour les albums papier. « C’est complémentaire », estime le président de Dargaud. « Et puis de toutes façons nous n’avons pas le choix ».

Grâce à ces plateformes payantes, les éditeurs espèrent aussi lutter contre l’offre illégale car « la BD est le genre le plus piraté de la littérature », souligne Nicolas Lebedel. « Nous n’espérons pas convaincre le monde de se convertir à la BD numérique, mais avec notre haute définition c’est aussi beau et beaucoup plus pratique », a plaidé le PDG de comiXology de passage à Angoulême.

Mais pour beaucoup d’amoureux de BD, « le beau livre ne disparaîtra pas ». « Il y a le plaisir de toucher les pages. Si ce n’est que de la reproduction des œuvres, je n’y crois pas. Ce qui est intéressant, c’est ce qui se crée spécifiquement pour le numérique », estime Thomas-Louis Côté, directeur du festival de la BD de Québec.

« La BD sur le marché francophone est extrêmement luxueuse, à la différence des comics ou mangas. Cela fait plus de dix ans que l’on parle du numérique sans réelle explosion », renchérit Philippe Duvanel, directeur artistique des rencontres de la BD à Delémont (Suisse). « Il faudra peut-être une génération supplémentaire pour que le numérique se fasse une place », conclut-il, « car le lecteur de BD est aussi un collectionneur ».

AFP