Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
En attendant que le gagnant des 31 millions d’euros se manifeste, Léon Losch, le directeur de la Loterie nationale, explique ce qu’il se passe quand on gagne.
Premier conseil donné aux gros gagnants par Léon Losch : ne pas dire la bonne nouvelle à tout le monde. (Photo : Hervé Montaigu)
À la Loterie nationale, on attend toujours de pied ferme le coup de fil ou le passage de l’homme ou de la femme qui détient le ticket du tirage du 9 janvier portant les numéros 6, 21, 24, 32, 45 et les étoiles 1 et 11. Si la personne se présente, elle se verra créditée de 31 666 941 euros !
> Le gagnant du jackpot de l’Euro Millions du 9 janvier ne s’est toujours pas manifesté. D’habitude, ceux qui ont coché les bons numéros mettent-ils autant de temps à se faire connaître ?
Léon Losch : Ça dépend, les deux cas de figure existent. Après un tirage, il y a ceux qui le disent immédiatement à tout le monde – famille, amis… – et qui veulent que ça se sache, et puis il y a les autres, qui préfèrent rester discrets et prendre leur temps. Le premier tombeur du jackpot de l’Euro Millions à Luxembourg (NDLR : 65 793 284 euros, lors du tirage du 27 septembre 2013) avait mis deux semaines avant de se faire connaître.
> Jusqu’à quand peut-il se manifester ?
Il a 60 jours pour ce faire après le dernier tirage auquel il a participé sur son ticket. Si ça se trouve, la personne qui a gagné le 9 janvier a joué dix tirages consécutifs à partir de cette date. Donc, il se peut qu’elle ait plus de temps.
> Quand et comment avez-vous appris qu’un deuxième grand vainqueur existait au Luxembourg ?
C’était le vendredi 9 janvier, le soir même. Le tirage, en fait, est un faux direct : il est tourné sur fond vert par la Française des jeux et diffusé un petit peu plus tard, avec l’habillage de chaque pays. Lorsque toutes les boules sont tombées, un scan des grilles qui ont été jouées est effectué quasiment en temps réel. On sait tout de suite dans quel pays la bonne transaction a été réalisée. C’est donc l’équipe des opérateurs qui travaillent pendant les tirages dans nos locaux, à Leudelange, qui m’a appelé pour m’apprendre la nouvelle.
> Lorsque ce gagnant va vous appeler, que va-t-il se passer ?
Je précise qu’évidemment, sans ticket, il n’y a pas de gain. Nous recevons beaucoup de personnes qui nous disent qu’elles ont joué les bons numéros, mais qu’elles ont perdu leur reçu… Même si l’histoire était vraie, nous ne pourrions rien faire. Si le gagnant en possession du ticket nous demande une totale discrétion, nous faisons en sorte que rien ne se sache. La première chose sera donc d’organiser un rendez-vous discret. Nous nous retrouverons au siège de la Loterie où, si le système le valide, je pourrai certifier que le reçu présenté est bien celui correspondant au jackpot. Ensuite, nous pourrons déclencher le paiement.
> Sitôt la validation du ticket effectuée, les 31 millions d’euros sont transférés aussi simplement que ça ?
Non, car là aussi, il faut veiller à la confidentialité. Si les comptables de la Loterie et les employés de banque peuvent directement lire le nom du bénéficiaire du jackpot, ce n’est plus très secret! Et de toute façon, il est préférable de ne pas tout verser sur son compte courant habituel… Une des premières décisions à prendre, c’est le choix de la banque. Lorsque le gagnant s’est décidé, je contacte alors la direction de celle-ci, au plus haut niveau, pour organiser l’arrivée de l’argent. En général, il s’agit de créer plusieurs comptes spécialisés, dont l’identité du détenteur est tenue secrète.
> Une fois que le jackpot a été transféré, les gagnants peuvent-ils profiter de conseils, d’un accompagnement ?
Comment placer l’argent, comment le dépenser, ce n’est pas à nous de juger. Mais nous proposons effectivement aux gagnants de se faire aider par des spécialistes. En général, ce sont des professionnels qui viennent de l’étranger. Au contraire de la Française des jeux, où il y a des centaines de personnes concernées, nous n’avons pas suffisamment de gros gagnants au Luxembourg pour justifier un tel service rien que pour nous ! En France, la FDJ a même mis en place un club des multimillionnaires où ceux qui ont gagné beaucoup aux jeux peuvent partager leur expérience.
> Le précédent gagnant luxembourgeois avait-il demandé cet accompagnement ?
Il l’avait fait. Je pense que c’est préférable.
> Émotionnellement, gagner une telle somme est un évènement qui n’est pas forcément facile à gérer. Les gagnants sont-ils aidés sur ce plan ?
C’est tout à fait vrai. Au début, le premier sentiment est d’être extrêmement content. Mais il n’est pas rare qu’arrive ensuite une période plus difficile où les gagnants ressentent de la culpabilité. Ils viennent à penser qu’ils ne méritaient pas tout cet argent, que ce n’était qu’un jeu de hasard. Pour ça aussi, il existe des spécialistes. Si on nous le demande, nous pouvons organiser des rendez-vous avec eux.
> À titre personnel, vous êtes l’homme qui confirme à ces personnes qu’elles deviennent à l’instant immensément riches. Quelles sensations cela vous procure-t-il ?
C’est évidemment très excitant d’observer la première réaction ! Bien sûr, les personnes sont très contentes et très émues. J’ai remarqué que ce sont toujours des moments où l’on parle énormément. C’est tellement soudain… Ils nous demandent beaucoup de conseils. Le premier que je donne, c’est de ne pas dire la bonne nouvelle à tout le monde. Mais à chaque fois, c’est une expérience extraordinaire, un vrai plaisir.
> Finalement, c’est une situation qui reste très exceptionnelle, même pour vous…
Oui, nous avons eu deux gagnants du jackpot en 17 mois, mais avant cela jamais personne n’avait coché les cinq bons numéros et les deux étoiles au Grand-Duché (NDLR : le Luxembourg a rejoint l’Euro Millions en octobre 2004). Avant ces deux jackpots, la plus grosse somme que la Loterie avait versée était 10 millions d’euros. C’est déjà ça, ceci dit !
> D’ailleurs, combien le Grand-Duché compte-t-il de gros gagnants à Euro Millions ?
Avant les jackpots, il y avait eu un peu plus de 20 gagnants au deuxième rang. C’est-à-dire qu’ils avaient les cinq bons numéros et une étoile. Au début, cela permettait de gagner autour d’un million d’euros, mais depuis que la distribution des gains a été modifiée, c’est nettement moins : entre 300 000 et 500 000 euros.
Entretien avec notre journaliste Erwan Nonet
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