L’univers de Van Gogh est ressuscité dans un film animé né de ses toiles.
Danuta Roman et ses collègues recréent, pour les besoins d’un film, les tableaux du grand maître de l’impressionnisme, Vincent Van Gogh. (Photos : AFP)
« J’essaie de m’imaginer comment Van Gogh avait fait ce paysage », explique Danuta Roman, artiste quadragénaire. Avec une équipe d’une quarantaine d’artistes, elle travaille à ce qui sera le premier film d’animation au monde fait entièrement à partir de peintures à l’huile peintes à la main.
Intitulé Par amour pour Vincent (Loving Vincent), ce projet s’inscrit dans l’Année Van Gogh, célébrée en 2015 à l’occasion du 125e anniversaire de sa mort, explique Sean Bobbitt, le directeur de Breakthru Film, le studio qui réalise cette production de 4,5 millions d’euros. Ce studio avait déjà réalisé le court métrage d’animation Pierre et le loup, version animée de l’œuvre de Prokofiev, primée par un Oscar en 2007.
Pour ce nouveau projet, la tâche est immense. « Pour une seconde de film, il faut 12 cadres, soit 12 peintures. Un artiste peut, en moyenne, faire six peintures par jour, soit une demi-seconde du film », précise-t-il. Aussi, depuis six mois une quarantaine de peintres s’échinent-ils comme des moines bénédictins. Il faudra quelque 56 000 keyframes, images-clés, pour obtenir un film de 80 minutes, réalisé par Dorota Kobiela, cinéaste et peintre à la fois, selon un scénario du Polonais Jacek Dehnel.
> La lumière de Provence
À Gdansk, dans le nord de la Pologne, difficile d’imaginer le ciel bleu de Provence qui a inspiré Van Gogh. Danuta et une dizaine d’autres artistes travaillent dans un studio cinématographique au Parc technologique de cette ville portuaire sur la Baltique. « Mais nous, les peintres, nous sommes très flexibles. En plongeant dans la lumière des halogènes, on est capables de se récréer la lumière de Provence », affirme-t-elle avec un grand sourire.
Une fois finie, sa peinture est photographiée et le cadre est envoyé à l’animation. Sur la même toile, Danuta peint le cadre suivant, faisant bouger de quelques millimètres la position des barques pour donner l’impression qu’elles flottent sur la Seine.
Sur la toile originale, un train passe sur un pont. Sur le tableau de Danuta, il n’y figure pas encore. Elle le rajoutera sur les prochains cadres. Dans le film, le train emmènera à Paris un jeune homme, Armand Roulin, un des membres de la famille Roulin d’Arles dont le Hollandais a fait plusieurs portraits.
> Vidéo convertie en peinture
Toute l’histoire de ce film est racontée à travers les personnages des toiles de Van Gogh, interprétés par des acteurs. Les scènes sont tournées avec eux dans un studio à Wroclaw (sud-ouest), puis sont repeintes dans le style du maître. « La technique PAWS (Painted Animation Work Station) que nous utilisons consiste à projeter des scènes tournées avec des acteurs pour les faire peindre au pinceau sur toile par des peintres », explique un jeune graphiste, Bartosz Dluzewski.
« Le film est ainsi converti en toile, l’image numérique est traduite en peinture. En gros, on joue au Van Gogh et on devient des Van Gogh, tout en utilisant des méthodes numériques de pointe », dit-il en souriant.
« Plus de cent tableaux du maître nous servent de base. On en fait des copies fidèles, mais souvent pour les besoins du film, il faut les adapter, les modifier ou agrandir, en rajoutant des éléments qui ne figurent pas sur les originaux », explique Marlena Jopyk-Misiak, chargée de superviser le travail des peintres à Gdansk. « Nous avons aussi réalisé des tableaux que Van Gogh n’avait jamais peints », ajoute-t-elle, comme celui qui clôt le film, « réalisé dans le style de son célèbre autoportrait ».
Le film aborde les circonstances, restées mystérieuses, de sa mort à Auvers-sur-Oise, près de Paris en 1890. « Plus personne ne connaît la vérité sur sa mort, s’est-il suicidé, a-t-il été tué ? Ou encore autre chose. C’est trop tard pour le savoir à cent pour-cent. Ce que nous essayons de faire, c’est de présenter différentes hypothèses et rendre l’une ou l’autre vraisemblable », dit Sean Bobbitt. Et il ajoute : « Ce sera au spectateur de se faire une opinion. »
Le Quotidien (avec AFP)