Depuis la fin des années 60, date de son éclosion, voici un homme qui n’a cessé de se remettre en question, un avant-gardiste porté par une démarche artistique rare, faisant de lui l’un des personnages les plus singuliers du rock.
En effet, pour lui, la musique, aux influences multiples, n’était qu’un instrument au service d’une démarche plus globale, où la théâtralité prédominait. «J’ignore si j’ai introduit l’art dans le rock, ou le rock dans l’art, mais ce que je sais bien faire, c’est prendre des éléments très artistiques, et les rapporter au niveau de la rue», a-t-il affirmé. Une déclaration à voir comme une philosophie de vie, une profession de foi.
En effet, David Bowie, durant plus de quarante ans de carrière, n’a jamais été là où on l’attendait. Précurseur, évidemment, et premier à incarner une approche publicitaire de la musique, anticipant la toute-puissance du look qui allait s’installer durablement à partir des années 80, à travers ses multiples costumes de scène et ses nombreux avatars. Avec ses albums, novateurs par leur style et par leur son, il condamne la facilité, toujours prêt à se renouveler de fond en comble, ouvrant la voie à de nouvelles tendances, comme lorsqu’il devance la naissance de la new wave froide et électronique ou apporte sa contribution au développement du vidéoclip.
Un artiste multipliant les grands écarts, de l’icône du «rock décadent» quand il affirme haut et fort sa bisexualité, look androgyne, maquillé et perché sur haut talon avec ses amis de débauche, Lou Reed et Iggy Pop, au financier clairvoyant quand, en 1997, il devient le premier chanteur à transformer ses droits d’auteur en un placement financier bien particulier, les obligations, épousant le cynisme d’une époque du «tout pour le fric».
Deux ans après, avec Hours, il est également le premier artiste au monde à sortir un album en téléchargement légal avant sa sortie CD. Mais les multiples révolutions de David Bowie sont aussi (surtout ?) à mettre sur le compte de rédemptions personnelles et artistiques. Longues traversées du désert, drogue, alcool, dépression, célébrité mal vécue : l’artiste cumule les blessures qu’il surmontera. Chacun le voyait comme un artiste caméléon, capable de changer de peau et de ton pour mieux se réinventer.
Il tiendrait finalement plutôt du phœnix, dont les nombreuses morts annoncées (au sens propre comme artistique) n’étaient que des étapes avant de splendides et étonnantes résurrections. Mais aujourd’hui, l’oiseau légendaire, qui ne s’est jamais laissé apprivoiser, ne renaîtra plus de ses cendres. Ashes to Ashes.
Grégory Cimatti (gcimatti@lequotidien.lu)
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