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Système des pensions : un retoquage a minima


La rapporteuse Françoise Kemp (CSV) a défendu La réforme ne serait «ni dogmatique, ni maximaliste, ni minimaliste». (Photo : chambre des députés)

La Chambre a adopté, hier, avec les seules voix de la majorité CSV-DP, la réforme des pensions, vivement contestée. Le texte allonge certaines carrières et relève les cotisations.

Les chiffres sont connus. Sans ajustements, le régime d’assurance pension serait en déficit dès 2026. La réserve tomberait sous le seuil légal (équivalant à 1,5 fois les prestations annuelles) en 2038. Et la réserve serait complètement épuisée en 2044.

La députée Françoise Kemp (CSV) a rappelé ces chiffres en introduction de son rapport sur la réforme des pensions. À l’issue d’un débat politique et sociétal long de 18 mois, l’objectif du gouvernement aurait été de «bâtir un socle commun permettant de garantir la viabilité à long terme du système, tout en maintenant ses fondamentaux sociaux».

«Une étape qui renforce notre système»

Les quatre ajustements finalement retenus — allongement de certaines carrières, hausse des cotisations, flexibilisation des années d’études et introduction d’une pension progressive — sont présentés comme un «chemin équilibré». La réforme ne serait «ni dogmatique, ni maximaliste, ni minimaliste». «Il s’agit d’une étape qui renforce notre système et qui laisse une marge de manœuvre pour de futurs ajustements. Cette approche est réaliste : elle tient compte des limites et crée de la confiance, ce qui est peut-être le point le plus important», a renchéri l’élue au nom de son parti.

Avec les mesures décidées, le Luxembourg — et avec lui les assurés, les ministres et les députés — gagne quatre années de marge. Selon les dernières projections de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), les échéances critiques seraient repoussées de quatre ans : la réserve légale ne passerait sous le seuil requis qu’en 2042, tandis que son épuisement n’interviendrait qu’en 2048.

«Cette réforme n’est pas le point final»

La marge de manœuvre permettrait d’approfondir les analyses et de préparer d’éventuels ajustements supplémentaires. «Cette réforme n’est pas un point final. Elle constitue le début d’une politique responsable et dynamique», a affirmé Françoise Kemp.

Gérard Schockmel, orateur du partenaire de coalition DP, a abondé dans le même sens : «Nous gagnons du temps précieux pour, dans les années à venir, mener des discussions sérieuses en vue d’une réforme plus approfondie.»

La ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, a pour sa part défendu des mesures qui ne constituent pas des «changements abrupts». Même si elles ne font pas l’unanimité, le gouvernement aurait fait le choix d’une réforme «faisable».

Malgré l’importante levée de boucliers, le débat parlementaire de mardi après-midi a montré que la hausse des cotisations et la flexibilisation des années d’études bénéficient du soutien d’une large majorité. La prolongation obligatoire du temps de travail demeure, en revanche, le principal point de discorde. Plus globalement, les partis de l’opposition ont reproché au gouvernement de ne pas avoir engagé une réforme plus incisive.

«Ni digne, ni social, ni durable»

«La réforme devait être ambitieuse; elle ne l’est pas, et l’on ne sait même pas quel en sera l’apport réel. Elle était censée sécuriser le système sur le long terme. En réalité, on refile la patate chaude au prochain gouvernement. Il ne s’agit que de simples pansements pour tenir jusqu’aux prochaines élections», a fustigé Mars Di Bartolomeo (LSAP).

Selon l’ancien ministre de la Sécurité sociale, la réforme «n’est ni digne, ni sociale, ni durable, ni équitable entre les générations». Les seuls gagnants seraient, à ses yeux, les assureurs privés, qui profiteraient d’un régime fiscal plus avantageux pour la souscription de pensions complémentaires.

Alexandra Schoos (ADR) s’est montrée tout aussi critique. «Nous avions déjà averti nos électeurs en 2018 que des décisions difficiles devraient être prises. Or, ici, nous n’avons affaire ni à une réforme, ni même à une mini-réforme», a-t-elle jugé. Son parti aurait privilégié une hausse plus progressive des cotisations, à raison de 0,1 % sur dix ans, et proposé d’utiliser le surplus dégagé — par rapport à une augmentation immédiate de 0,5 % — pour investir dans les infrastructures du pays.

Une «équation assez absurde»

Djuna Bernard (déi gréng) a pris la défense de la jeune génération. Selon elle, le gouvernement mise sur une «équation assez absurde» : «Les jeunes doivent cotiser davantage et travailler plus longtemps, sans avoir l’assurance de toucher un jour une pension convenable.» La réforme engagée ne constituerait, au mieux, qu’un répit, destiné à gagner du temps avant d’ouvrir le débat sur une réforme plus incisive. Une stratégie qui, selon l’élue écologiste, manque de respect à la jeune génération.

Au-delà de la hausse des cotisations, Sven Clement (Parti pirate) appelle à ouvrir le débat sur de nouvelles sources de financement du système des pensions. «Nous avons besoin d’une discussion sur la manière de rendre le système réellement plus durable, tout en procédant à une hausse de la pension minimale. Il faut également examiner quels pourraient être les apports financiers de la digitalisation et des nouvelles formes de travail», a-t-il souligné, évoquant notamment l’instauration d’une taxe sur les robots.

Les «pires atrocités» écartées

«Nous avons eu l’impression, tout au long de ces deux dernières années, d’observer une voiture foncer droit dans le mur», a lancé Marc Baum (déi Lénk). Il a rappelé la manifestation du 28 juin, qui a mobilisé des milliers de personnes et permis, selon lui, d’écarter les «pires atrocités» de la proposition initiale – notamment l’allongement de la durée de travail pouvant aller jusqu’à cinq années supplémentaires.

«On pourrait dire que la durée de cotisation ne sera allongée  »que » de huit mois, mais en réalité, un tabou est brisé », a-t-il poursuivi. Le député a également souligné que le quart de la population concernée par la mesure serait composé majoritairement d’étudiants et de femmes. «Dès lors, la flexibilisation des années d’études perd de sa valeur», a-t-il estimé.

Au bout du compte, les 34 élus de la majorité CSV-DP ont adopté la réforme, contre les 35 voix de l’opposition.

Les ajustements en bref

PENSION «CLASSIQUE»
Les salariés ayant pleinement cotisé 40 ans peuvent toujours bénéficier d’une retraite anticipée à 57 ans. En outre, chacun qui a accompli une carrière de 40 ans, en ayant travaillé à plein temps, garde la possibilité de prendre sa retraite avant l’âge de départ légal, qui reste fixé à 65 ans.

CARRIÈRE ALLONGÉE
Les seuls concernés par l’allongement progressif de carrière sont les personnes ayant accompli une carrière «mixte», combinant années de travail, années d’études, années d’éducation des enfants et rachat d’années de périodes d’assurance. Ils devront cotiser plus longtemps : +1 mois en 2026, +2 mois en 2027, +4 mois en 2028, +6 mois en 2029, et +8 mois en 2030.

La mesure entre en vigueur le 1er juillet 2026.

Sont exclus de cette formule la préretraite de travail posté ou de nuit et la préretraite-ajustement.

PENSION PROGRESSIVE
Sous réserve de l’accord préalable de l’employeur, un salarié en droit de départ en pension anticipée (60 ans et plus) pourra continuer à travailler à temps partiel.

ANNÉES D’ÉTUDES
Flexibilisation de la prise en compte des périodes d’études (non indemnisées) pour le calcul de la carrière de cotisation : 9 ans au maximum, à partir de 18 ans. L’âge limite de 27 ans est supprimé.

COTISATIONS
À partir du 1er janvier 2026, le taux de cotisation augmente de 24 % à 25,5 %. On passe ainsi de 8 % à 8,5 % à prendre respectivement en charge par l’État, les salariés et l’employeur.

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