Les seules voix de la majorité ont entériné les projets de loi qui rallongent le travail du dimanche et les heures d’ouverture dans le commerce. Il y avait urgence, visiblement.
Pourquoi y avait-il urgence à faire passer ces deux projets de loi avant la trêve de Noël? L’opposition qui pose cette question aurait préféré attendre le début d’année afin de donner une chance aux parlementaires de la commission du Travail et de l’Emploi de rencontrer le nouveau ministre, Marc Spautz, qui vient tout juste de remplacer Georges Mischo, démissionnaire. Ils n’ont pas obtenu de réponse du camp majoritaire.
Corinne Cahen (DP), députée, échevine et commerçante, s’adresse aux députés en les appelant «chers clientes, chers clients». Elle défend bec et ongles les deux projets de loi. Le premier qui autorise le travail dominical jusqu’à huit heures au lieu de quatre auparavant, et le second qui permet un allongement des heures d’ouverture des commerces. «C’est une possibilité qui s’offre à eux, pas une obligation», insiste la députée libérale.
L’argument ne tient pas la route pour l’opposition. «Pouvoir mais pas devoir? Pour le patron peut-être, mais pas pour le salarié», souligne Marc Baum (déi Lénk). Tous les partis de l’opposition rappellent cette étude du Liser datant de 2017 qui indiquait que 80% des salariés préféreraient ne pas travailler le dimanche. Pour les intervenants de l’opposition, c’est un jour consacré à la famille, au sport, c’est le jour des tournois, des concerts de l’harmonie locale, bref ce n’est pas un jour pour se rendre au travail, même s’il est des métiers ou cette option ne se pose pas. «Business first, c’est le maître-mot de ce gouvernement et le salarié est considéré comme une machine. Ce projet montre comment le gouvernement traite les gens», déclare Georges Engel, ancien ministre socialiste du Travail.
Un seuil «arbitraire»
Le travail dominical de huit heures sera limité aux entreprises du commerce comptant au maximum 30 salariés. Le seuil de 30 salariés a ainsi été retenu comme solution d’équilibre, les organisations syndicales privilégiant un seuil plus bas et les représentants patronaux préconisant au contraire un seuil plus élevé. C’est ce qu’explique le ministre du Travail, Marc Spautz, face aux critiques relatives à cette limite décidée en l’absence, actuellement, d’une convention collective sectorielle ou d’un accord en matière de dialogue social interprofessionnel.
«Le seuil de 30 salariés est arbitraire», juge Djuna Bernard pour les verts. Son parti ne se dit pas opposé aux modifications concernant le travail du dimanche, mais sous condition. La députée propose ainsi que le seuil soit de 15 salariés : «c’est pourtant la limite pour avoir une délégation du personnel», rappelle-t-elle. L’amendement que les verts ont déposé dans ce sens n’a pas été adopté, le parti s’est donc abstenu.
Que ce soit le travail dominical ou l’allongement des heures d’ouverture dans les commerces, la façon de faire du gouvernement ne plaît pas du tout à l’opposition. L’ancien ministre du Travail Georges Mischo avait réussi à se mettre tous les syndicats à dos, refusant la recherche d’un compromis.
Des stations-services ouvertes H24
Concernant l’allongement des heures d’ouverture, la députée Joëlle Welfring (déi gréng) signale d’ailleurs que la première phrase de l’exposé des motifs est fausse. «Comme prévu dans l’accord de coalition 2023-2028, lit-on, ce qui n’est pas le cas. L’accord de coalition dit que le gouvernement adaptera les heures d’ouverture du commerce de détail en concertation avec les partenaires sociaux.» Or chacun sait que les syndicats, inécoutés, ont fini par organiser la grande manifestation du 28 juin.
Marc Baum (déi Lénk) critique le manque d’analyse économique sur l’allongement des heures d’ouverture. «Nos transports publics sont-ils adaptés? Idem pour les gardes d’enfants, les maisons relais», fait-il remarquer en rappelant que 80% des salariés concernés dans le secteur du commerce sont des femmes. Il observe aussi que 15% des stations-services sont désormais autorisées à rester ouvertes H24. «Mais ça c’est une inégalité, et nous n’avons pas réglé le problème, nous en avons entraîné un autre!», lance-t-il en rappelant que le projet de loi était censé répondre à une inégalité devant la loi, soulevée par la Cour administrative dans l’affaire d’un boulanger contre une station-service, justement.
Une voix s’est élevée dans les rangs de la majorité pour émettre une critique. C’est celle de Michel Wolter, député-maire de Käerjeng, qui compte dans sa communes quatre stations-services concernées par une ouverture H24. «Qu’en est-il des nuisances que cela va engendrer pour les riverains?», demande-t-il. Il faudra appeler la police pour tapage nocturne, visiblement.
En attendant, les deux projets de loi sont passés. Le travail dominical à huit heures et l’allongement des heures d’ouverture dans les commerces. Les nouvelles plages horaires sont ainsi définies : du lundi au vendredi, les commerces pourront ouvrir de 5 h à 21 h, les samedis, dimanches, jours fériés et veilles de jours fériés, de 5 h à 19 h.
La loi introduit également une mesure permettant à chaque établissement de rester ouvert deux jours par an pendant 24 heures consécutives.