Des heures de critiques, un tas d’interrogations et une même conclusion : le budget 2026, aux yeux de l’opposition, ne voit pas au-delà des prochaines élections et manque de transparence.
Soutenu par le CSV et le DP, Roth défend le déficit
Les socialistes n’ont pas les mêmes priorités que le gouvernement. C’est ce qu’affirme Taina Bofferding, leur leader à la Chambre des députés. «On se concentre sur le social, sur la justice, sur la durabilité, le progrès et la résilience. On ne va pas se concentrer uniquement sur le modèle basé sur la croissance», déclare-t-elle au début de son discours, en listant les grandes différences stratégiques entre les socialistes et le gouvernement.
Pour elle, «la croissance ne garantit pas à elle toute seule l’équité sociale et ne résout pas tous les problèmes structurels du pays, elle n’est pas toujours durable, elle est volatile». Surtout, «plus de croissance ne signifie pas plus de pouvoir d’achat», ajoute-t-elle.
Les socialistes s’inquiètent des prévisions économiques qui ne sont «pas bonnes», avec une croissance estimée à 1 % pour 2025 et 2 % en 2026. Taina Bofferding cite le Conseil national des finances publiques qui les critique aussi.
Pas de budgétisation de la réforme fiscale alors que le budget pluriannuel prévoit un déficit de 1,3 milliards. «Quel contre-financement de la réforme fiscale?», interroge-t-elle.
L’emploi est une autre préoccupation des socialistes, qui observent que la plus grande partie des postes est créée dans la fonction publique. Le plan de lutte contre la pauvreté, dont le rapporteur du budget, Maurice Bauer (CSV), avait fait un thème central, a le mérite d’exister, mais «si les richesses étaient mieux réparties, on n’aurait pas besoin de plan de lutte contre la pauvreté. Ils ne demandent pas l’aumône», observe encore Taina Bofferding. Les socialistes, en toute logique, ne voteront pas pour ce budget.
Un budget «de l’extrême»
Même son de cloche pour l’ADR. Son chef de file, Fred Keup, ne voit pas grand-chose de bon dans ce budget qui mise tout sur la croissance, celle que combat son parti. Il se demande qui va payer l’addition et craint pour les générations futures à la vue d’une dette qui grossit.
«Où est l’influence du CSV dans ce budget?», questionne-t-il en faisant référence à la rigueur que le Parti chrétien-social a toujours observé par le passé concernant la dette de l’État. Un budget «de l’extrême», selon lui, à cause de cette dette «extrême».
Comme il fallait s’y attendre, l’ADR a vivement critiqué la croissance démographique du pays, Fred Keup la qualifiant de «turbocroissance» avec toutes les conséquences qu’elle engendre. Il ne demande pas moins que de l’enrayer, provoquant ainsi des réactions dans les rangs de la majorité.
«Après moi, le déluge?»
Pas moins de critiques venant des rangs des verts. Sam Tanson s’attendait «à plus de rigueur budgétaire», de la part du gouvernement qu’elle accuse d’avoir élaboré un budget qui permet de tenir «jusqu’aux prochaines élections».
Elle prévient que l’avenir peut réserver de mauvaises surprises, des problèmes à venir qu’il faudra affronter financièrement sans avoir de marge de manœuvre. «Vous ne mettez pas de côté une poire pour la soif, au contraire, vous la pressez», adresse-t-elle au gouvernement.
La réforme fiscale coûtera à l’État quelque 900 millions d’euros, mais là encore Sam Tanson a tenté d’obtenir des chiffres plus précis concernant l’impact de cette réforme sur les finances publiques, mais en vain.
«Pourquoi ce manque de transparence?», interroge-t-elle, persuadée que le ministre connaît les chiffres. «Je pensais que vous vouliez faire mieux que les autres», lâche-t-elle.
Le même reproche lui est formulé concernant le budget de la défense, qui ne figure pas dans le pluriannuel. «Montrez-nous que vous savez exactement ce que vous faites», lance Sam Tanson à l’attention de Gilles Roth en face d’elle.
Elle accuse le ministre de jouer au poker en promettant moins d’impôts et plus d’investissements. «Maintenant que vous êtes en eaux troubles, vous continuez à bluffer. Quelles sont les cartes encore à votre disposition?», questionne-t-elle, en se demandant si le ministre attend un miracle au niveau international. «Après moi, le déluge, c’est ça?», conclut Sam Tanson.
«Plus d’espoir, plus d’avenir»
Pour Sven Clement, du Parti pirate, «il n’y a plus de réserve, que des dettes, plus d’espoir pour l’avenir». Il accuse principalement le gouvernement d’immobilisme en ce qui concerne le logement, pointant du doigt le rachat des VEFA aux promoteurs.
«Si seulement ces derniers avaient offert ces logements au même prix que l’État vient de les racheter», leur reproche-t-il. Le député pirate lance ses idées de location-vente pour résoudre une partie du problème.
«Vous, vous gérez la misère!», lance-t-il. Quant à la réforme fiscale, il la voit comme un cadeau électoral. «Vous ne nous dites pas comment le financer (…) , vous prenez l’argent aux contribuables et avant les élections vous le leur rendez généreusement», selon lui.
Concernant la lutte contre la pauvreté, il suggère au gouvernement de mettre fin à la bureaucratie. «Arrêtez d’envoyer des formulaires et mettez en place un guichet social unique, une véritable automatisation», propose-t-il, en ajoutant que «la pauvreté au Luxembourg est un scandale politique».
Des «recettes du passé»
Pour déi Lénk, David Wagner évoque «des recettes peu créatives», des «recettes du passé». Il note que l’aide à l’Ukraine et les aides aux entreprises sont considérées comme des mesures sociales et se moque gentiment du gouvernement.
Il consacrera une partie de son discours «au nouveau Luxembourg qui émerge, le plus jeune pays de la Grande Région avec une moyenne d’âge de 39,7 ans». Un constat qui compte beaucoup, mais il regrette que la capacité de ces jeunes «ne soit pas prise en considération», regrettant que 40 % d’entre eux soient obligés de vivre encore chez leurs parents.
Il tance le gouvernement qui a annoncé une loi sur le plafonnement des loyers pour 2027, «un an avant les prochaines élections», alors que cela aurait dû être la «première priorité du ministre du Logement».
L’ensemble des partis de l’opposition ont rejeté le budget. Sans surprise.