La vague coréenne semble avoir fait son nid au Luxembourg, comme dans de nombreux pays dans le monde. Nous avons rencontré deux professionnels qui se sont lancés dans ce business florissant.
K-dramas, K-cosmétiques, K-pop… Le phénomène de la culture coréenne s’est-il emparé du Luxembourg? Depuis quelques mois, le centre-ville de la capitale a accueilli plusieurs boutiques spécialisées dans la pop culture sud-coréenne. Dans la galerie Beaumont, deux d’entre elles ont fait leur apparition. Devant la devanture, nous retrouvons Aline Kim.
Cette Franco-Coréenne a lancé, en janvier dernier, sa boutique spécialisée dans les produits cosmétiques coréens. «Nous sommes, au départ, implantés en France et en région parisienne», explique-t-elle. Alors, pourquoi le Grand-Duché? «Il n’y avait pas de cosmétiques coréens authentiques au Luxembourg alors qu’il y avait une demande croissante. J’ai eu une opportunité d’ouvrir une boutique, ici, au centre-ville. Je me suis dit qu’il fallait absolument apporter cette innovation dans ce pays», raconte la gérante de K-Youty.
Il faut dire que depuis plusieurs années, les cosmétiques coréens font fureur sur les réseaux sociaux. Sur Instagram, TikTok, Facebook, les vidéos montrant les routines beauté coréennes sont devenues virales. «Les réseaux sociaux ont surfé sur cette tendance. Je pense que la période covid, avec le succès de certaines séries, a accéléré le phénomène», souligne Aline Kim.

Alice Kim a lancé, en janvier dernier, sa boutique spécialisée dans les produits cosmétiques coréens. (Photo : alain rischard)
Ce succès 3.0, la professionnelle l’observe au quotidien dans son commerce. «Nous avons beaucoup de passionnés de la pop-culture coréenne qui viennent nous voir. D’ailleurs, certains se prennent régulièrement en photo avec nos pancartes d’un groupe de musique de K-pop», sourit-elle. Dans sa boutique, Aline Kim a même aménagé un coin spécial des cosmétiques tendance vus sur TikTok. «Ce sont des produits très différents de la cosmétique coréenne clinique. D’ailleurs, ils ne sont pas utilisés par les Coréens eux-mêmes», note-t-elle.
Au 31 décembre 2024, le nombre de ressortissants coréens résidant au Luxembourg s’élevait à environ 250. «La diaspora coréenne au Luxembourg est estimée à approximativement 900 personnes», note l’ambassade de la République de Corée au Luxembourg. En juin dernier, l’institution a réalisé une enquête montrant l’influence de la culture coréenne au Luxembourg auprès des résidents et des travailleurs frontaliers luxembourgeois.
Les résultats montrent que 86,4% des personnes interrogées connaissent la Corée, la K-pop et la gastronomie du pays. De plus, 48,4% ont exprimé un intérêt pour la Corée et 43,2% se sont déclarées prêtes à apprendre le coréen. «Il convient également de noter que l’ambassade de la République de Corée au Luxembourg a été officiellement établie en juillet dernier, témoignant du renforcement des relations bilatérales», conclut l’institution.
Si les réseaux sociaux surfent sur cette tendance, les séries coréennes également. «Nos clients veulent les mêmes produits qu’ils voient dans les séries, le même résultat de la « glass skin », cette fameuse peau de verre.»

(Photo : alain rischard)
Les résultats sont-ils aussi miraculeux que ce que promettent les réseaux sociaux? «Il y a beaucoup de recherches et de développement en Corée du Sud. Le pays est l’un des numéros un mondiaux dans le secteur de la beauté (…). Au-delà des produits, je pense que la routine coréenne est très bénéfique. C’est une activité qui se pratique beaucoup dans les familles dans ce pays. Pour ma part, j’ai vu ma grand-mère, mes tantes, ma mère réaliser ce rituel. C’est cela qui m’a donné envie de me lancer dans la cosmétique coréenne. Et j’ai eu raison car depuis un an, c’est un vrai boom», détaille Alice Kim.
«Il y en a à tous les coins de rue»
À quelques mètres de là, toujours dans la galerie Beaumont, une autre boutique coréenne a ouvert ses portes récemment. Serre-têtes, chapeaux, lunettes, peluches, photomatons… Heeju Kim a lancé, en juillet dernier, le premier photobooth coréen du Luxembourg. Ici, les passionnés ou non de K-dramas ou K-pop peuvent se photographier avec leurs amis ou même leurs idoles. «C’est un concept qui marche très bien en Corée. Chez nous, il y en a à tous les coins de rue. C’est souvent une activité que l’on fait le soir, avec ses amis ou pour un rendez-vous amoureux», explique le gérant.

Heeju Kim est arrivé il y a un an au Luxembourg. (Photo : alain rischard)
Et, le succès est au rendez-vous. «Cela marche très bien. Nous recevons en majorité des jeunes passionnés par la culture coréenne. Mais pas toujours. Il n’y a pas longtemps, une jeune fille est venue passer un moment avec sa grand-mère qui ignorait tout de notre culture. C’était très drôle!», sourit le Sud-Coréen devant les nombreuses photographies du photobooth.

Photoism est le premier photobooth coréen au Luxembourg. (Photo : alain rischard)
Arrivé il y a un an au Luxembourg, Heeju Kim est toujours dans l’espoir de la reconnaissance de son diplôme en médecine traditionnelle coréenne. «J’attends encore des nouvelles du ministère de la Santé», précise-t-il. En attendant, il continue de diriger le premier photobooth coréen. «Je suis assez surpris de ce succès au Luxembourg. Je pense que les séries et la K-Pop jouent dans ce développement (…). Je suis assez fier que ma culture se soit exportée à ce point en Europe», poursuit-t-il.
Face à ce succès, le Sud-Coréen réfléchit à ouvrir d’autres photobooths dans le pays. «J’ignore où. Pourquoi pas à Belval?», lance-t-il, enthousiaste.
«Ce succès est assez surprenant»
Orie Duplay, présidente de l’association Les Amis de la Corée au Luxembourg, retrace son parcours qui l’a menée jusqu’au Grand-Duché.
Quand êtes-vous arrivée au Luxembourg?
Orie Duplay : Je suis née en Corée du Sud. J’ai quitté mon pays à l’âge de 27 ans. Je ne suis pas immédiatement arrivée au Grand-Duché. Auparavant, je suis restée sept ans et demi aux États-Unis et quatre ans en France. C’est pour le travail de mon mari que je suis venue au Luxembourg.
Avant votre arrivée, que connaissiez-vous du Grand-Duché?
En Corée, nous connaissons le Luxembourg. Car à l’école, nous apprenons la composition des pays du Benelux. Je connaissais uniquement cela. Je l’ai découvert en venant y vivre.
Votre vie en Europe est-elle très différente de celle de Corée du Sud?
Quand je suis arrivée aux États-Unis, je me sentais complètement déracinée culturellement. À ma grande surprise, quand nous nous sommes installés en France, je me sentais comme un poisson dans l’eau. Avant mon départ, en 1987, la Corée était encore un pays fermé. Beaucoup plus que certains pays comme le Japon. Progressivement, le pays a commencé à s’ouvrir.
Que pensez-vous de l’essor de la culture coréenne dans le monde?
C’est quelque chose d’assez surprenant. Mais j’en suis très fière de ce succès comme Coréenne. Je ne m’attendais pas à ce que mon pays devienne aussi développé en si peu de temps (…). Nous voyons aussi cet essor dans notre association. De plus en plus de personnes s’intéressent à la culture coréenne, que ce soit pour sa gastronomie ou sa langue.
Dans quel contexte est née votre association, Les Amis de la Corée?
Je l’ai créée en 2008. Au départ, nous étions seulement une dizaine de membres. À l’époque, il n’y avait rien concernant la culture coréenne au Grand-Duché. Pourtant, les deux pays étaient liés par une histoire commune. Il y a environ 88 anciens combattants luxembourgeois qui ont combattu pour la Corée du Sud pendant la guerre de Corée. C’était important pour moi de rappeler cette histoire.