Quatre patientes ont dénoncé des gestes déplacés et des viols présumés de la part du gynécologue, dont la manière de pratiquer la médecine avait déjà été mise en doute par des stagiaires.
Le docteur G est assis sur le banc des prévenus comme dans un fauteuil, de trois quarts, bras droit tendu reposant sur le dossier et bras gauche en appui.
Ce gynécologue de 59 ans paraît sûr de son fait : il n’a pas commis «de gestes dépassant un acte gynécologique habituel» et donc pas les viols et les attentats à la pudeur qui lui sont reprochés par quatre victimes présumées. Quatre anciennes patientes qui ont fréquenté son cabinet entre 2013 et 2018.
«J’avais choisi son confrère, le docteur A, au hasard. Quand il a quitté le cabinet, le docteur G a repris mon dossier», témoigne Félicie, 44 ans, d’origine malgache. «Quand son assistante n’était pas présente, il me caressait le clitoris avec du gel ou introduisait son doigt dans mon vagin et me disait que pour avoir un enfant, je devais jouir plus souvent.»
La victime présumée était gênée, mais elle décide de croire le médecin. «Je pensais que chaque docteur avait une méthode différente.» Il lui aurait même proposé une consultation un dimanche matin «pour boire du champagne».
Un jour de 2018, elle se rend aux urgences avec une douleur insoutenable au bas ventre. Une grossesse extra-utérine qui sera opérée dans la foulée.
«Quand je leur ai dit qui était mon gynécologue, le personnel soignant a baissé les yeux. Une infirmière m’a confié qu’il n’avait plus le droit d’exercer à l’hôpital», poursuit la victime présumée, qui n’a plus consulté le docteur G après cet épisode. «Le médecin urgentiste a diagnostiqué un fibrome qui m’empêchait de tomber enceinte.»
La jeune femme rapporte également que le docteur G se serait collé à elle alors qu’elle était nue en l’enlaçant avec une main sur le ventre pour lui examiner les seins. «Je voulais tellement avoir ma fille. C’était tellement compliqué…», s’excuse presque la victime présumée en pleurs. «Avec le temps, j’ai réalisé que ce qu’il faisait n’était pas normal. Il était médecin, connu, riche, luxembourgeois. Mais moi, j’étais qui?»
Félicie n’a, dans un premier temps, pas voulu déposer plainte contre le docteur G. Une psychologue lui conseille de se confier à la police qui «m’a dit que je n’étais pas seule». Sur seize consultations, le gynécologue aurait répété ses gestes une douzaine de fois. «J’en parle aujourd’hui parce que je n’ai pas le choix.»
La défense du docteur G demande à la victime de bien vouloir signer de sa main sa déclaration selon laquelle elle n’aurait plus eu aucun contact avec l’ancien associé du docteur G, le docteur A.
Les deux médecins ne se sont pas quittés en très bons termes et l’un a accusé l’autre de diffamation. Le docteur A est appelé à témoigner dans le cadre de ce procès.
«Il buvait du champagne»
Ce n’est pas la première fois que le docteur G se retrouve face aux juges. En 2018 notamment, il avait assigné deux médecins stagiaires en justice par citation directe pour diffamation et calomnie.
Dans le cadre de l’enquête autour de l’affaire qui va occuper la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg cette semaine, les deux jeunes femmes avaient dénoncé des méthodes de travail très spéciales de sa part.
«Il ne respecte personne, se prenant lui-même pour un dieu. Je voyais les patientes quand lui se reposait, buvait du champagne…», avait témoigné l’une d’elles au Quotidien. La 12e chambre correctionnelle avait acquitté les deux jeunes femmes. La Cour d’appel avait confirmé le jugement.
Le gynécologue réclamait 30 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice. Selon lui, elles auraient menti «avec la seule volonté de (lui) nuire». «Depuis 20 ans, j’exerce comme gynécologue au Luxembourg. Je suis d’astreinte 24 h/24. Je veille à ma consommation d’alcool», avait-il appuyé.
En mars 2022, il avait ensuite été condamné à une amende de 30 000 euros par jugement sur accord pour avoir facturé des consultations médicales qu’il n’avait pas effectuées lui-même entre 2012 et 2013.
Neuf mois plus tard, il avait été condamné à un an d’interdiction d’exercer par le Conseil supérieur de discipline du Collège médical, dont la moitié avec sursis. Il lui était notamment reproché d’avoir gonflé ses honoraires et prétendu que ses services n’étaient pas remboursés par la sécurité sociale, selon nos collègues de wort.lu.
Une quinzaine de témoins seront entendus cette semaine. À commencer par les trois autres victimes, l’enquêteur de la police judiciaire et quelques experts, entre autres.