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Affaire Caritas : trois nouveaux suspects arrêtés


Les deux premières phases de l'enquête ont permis d'analyser l'étendue du préjudice et d'élucider les faits au Luxembourg. (Photo : Julien Garroy)

Dans le cadre du détournement de 61 millions d’euros au préjudice de la Fondation Caritas Luxembourg, le parquet annonce le lancement d’une vaste opération coordonnée à travers l’Europe, avec trois arrestations et de nombreuses perquisitions.

Le 2 décembre, douze membres de la police grand-ducale ont participé à une opération d’envergure baptisée «Caritas – Opération phase 3» sur le territoire de cinq États européens. Les sections FAME (Formation, Appui et Méthodologie Ecofin) et FAST (Fugitive Active Search Team) ont ainsi apporté leur soutien à leurs homologues anglais, bulgares, français et italiens.

Cette opération, menée sous la régie exclusive du juge d’instruction luxembourgeois, visait les recruteurs présumés ayant fourni les instructions pour la mise en place des comptes bancaires espagnols destinés à accueillir les fonds détournés. Les interventions ont abouti à l’exécution de trois mandats d’arrêt internationaux et six perquisitions, permettant la saisie de dix-sept téléphones portables, deux ordinateurs, des disques durs ainsi que des documents bancaires, précise le parquet dans un communiqué ce mercredi.

Fin octobre déjà, une mission française avait permis l’exécution de quatre perquisitions et trois interrogatoires à Nice, avec la saisie de sept téléphones et trois ordinateurs. Les trois personnes arrêtées seront remises aux autorités luxembourgeoises dans les semaines à venir.

Le parquet souligne que ces résultats ont été rendus possibles grâce à «une excellente collaboration internationale fondée sur le professionnalisme incontestable de tous les intervenants», avec l’appui d’Eurojust. L’enquête se poursuit, notamment dans l’attente d’autres demandes d’entraide internationale.

Une affaire qui a ébranlé le Luxembourg

Cette troisième phase d’enquête s’inscrit dans la continuité d’une affaire qui a marqué le pays depuis juillet 2024. Le 19 juillet de cette même année, la Fondation Caritas portait plainte après qu’un détournement de 60 millions d’euros eut été découvert par son directeur général, Marc Crochet, qui avait constaté d’importantes irrégularités financières.

L’enquête a rapidement établi qu’il s’agissait d’une «arnaque au président», procédé consistant à piéger un collaborateur habilité à effectuer des paiements en se faisant passer pour un supérieur réclamant un transfert urgent. La directrice financière de la fondation a été arrêtée le 18 juillet 2024, avant d’être placée en liberté conditionnelle sous contrôle judiciaire.

Les investigations ont révélé que les fonds détournés provenaient des 28 millions d’euros de réserves de la fondation et de 33 millions d’euros obtenus via deux lignes de crédit contractées frauduleusement auprès d’établissements bancaires.

Un réseau criminel international

L’enquête a permis d’identifier quatorze comptes espagnols crédités directement par les fonds détournés. Les sommes ont ensuite été dispersées à travers plus de 8 200 transactions vers des centaines de comptes répartis dans de nombreux pays, principalement en Chine, à Hong Kong et en Lituanie.

Neuf personnes identifiées comme des mules financières (des prête-noms ayant mis leurs comptes à la disposition des fraudeurs) ont été arrêtées en vertu de mandats européens, notamment en Bulgarie, au Royaume-Uni et en France. En juillet 2025, deux d’entre eux, de nationalité bulgare, ont accepté un accord avec le parquet et ont été condamnés à 18 mois de prison, dont 15 avec sursis, et à une amende de 3 000 euros.

Les deux premières phases de l’enquête ont donc permis d’analyser l’étendue du préjudice et d’élucider les faits au Luxembourg. Cette troisième phase se concentre désormais sur les organisateurs présumés du réseau.

Des conséquences dramatiques pour l’organisation

Le scandale a contraint Caritas à mettre en place un comité de crise et à créer deux nouvelles entités distinctes : l’une pour reprendre les activités nationales, l’autre pour les activités internationales. En octobre 2024, l’association Hëllef um Terrain (HUT) a finalement repris les activités nationales de Caritas Luxembourg, permettant de sauvegarder plus de 350 emplois.

En revanche, la fondation a dû mettre fin à ses activités de solidarité internationale, abandonnant ses bureaux au Laos et au Soudan du Sud, ce qui a affecté une centaine de salariés et des milliers de bénéficiaires de ses programmes humanitaires.

Une commission parlementaire spéciale a été créée pour examiner la gestion politique de cette crise. Son rapport, adopté à l’unanimité en juillet 2025, a formulé douze recommandations visant notamment à améliorer la supervision des employés et à professionnaliser le secteur caritatif luxembourgeois.

Enfin, dernier épisode en date dans cette triste affaire : la présidente de la nouvelle entité HUT, Claudia Monti, a présenté sa démission. Elle quittera son poste le 31 janvier 2026, en raison de «conflits d’intérêts». L’ancienne Ombudsman a en effet précisé qu’elle recherchait un poste dans un ministère, en lien avec la défense des droits humains. Son recrutement étant en cours, elle a présenté sa démission.

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