Le prévenu a pu se tromper ou être déstabilisé sous le feu des questions, mais il n’est pas un menteur, quoi qu’en pensent les enquêteurs qui n’auraient pas pris ses réponses au sérieux.
Quel est le rôle d’un témoin ? Et les six prévenus, témoins dans l’affaire Bommeleeër, ont-ils menti sciemment pour nuire au procès et à la découverte de la vérité ? Le parquet pense depuis plus de onze ans que c’est le cas et a requis des peines de prison de 5 ans à 18 mois de prison à leur encontre. Eux crient «au scandale dans le scandale» par la voie de leurs avocats et réclament «l’acquittement pur et simple» à l’aide de différents moyens, dont l’impossibilité matérielle ou l’irrecevabilité des poursuites, le dépassement du délai raisonnable ou le libellé obscur.
Les prévenus n’acceptent pas d’être présentés comme des menteurs et dénoncent la manière dont ils ont été interrogés lors du procès principal. Un procès bruyant et brouillon, selon les témoins de l’époque, lors duquel des questions «suggestives» et déstabilisantes ont été posées pendant 177 audiences avant que le parquet ne requière la surséance à statuer.
«Il n’a pas laissé la chance aux témoins de révoquer leurs propos. Les témoins se sont trouvés devant le fait accompli», note Me Pierret, l’avocat de Guy Stevens. En outre, «en 65 heures d’auditions, mon client a été entendu sur plein de sujets différents, sauf sur les deux principaux accusés». «Vous ne pouvez pas condamner quelqu’un qui n’a pas été interrogé sur ce pourquoi il a été convoqué», ajoute-t-il.
L’avocat estime que le lien entre les propos de Guy Stebens à la barre du premier procès et les deux prévenus de ce procès est inexistant. Dans cette logique, l’ancien secrétaire général de la police n’a donc pas pu faire de faux témoignage les concernant. Me Everling qui l’assiste, a décortiqué les 17 faits de faux témoignages reprochés à Guy Stebens pour le prouver. L’avocate a regretté que la représentante du parquet n’ait pas davantage étayé son réquisitoire pour permettre à la défense de mieux se préparer.
Une blague à part
Guy Stebens n’aurait pas commis de faux témoignages «sciemment et volontairement» dans l’intention de nuire ou de dissimuler quelque chose. Calepin, missions dangereuses, formations spécifiques pour intégrer la brigade mobile, présence à une réunion avec la justice en 2003, entre autres. Ces éléments n’auraient, selon Me Everling aucun lien avec les deux poseurs de bombes présumés et les infractions qu’ils sont soupçonnés d’avoir commises. «Il n’y a pas le début d’un faux témoignage ou de parjure!», insiste-t-elle. «Où est le préjudice possible?»
Si Guy Stebens revêt depuis deux semaines le costume de prévenu, ce ne serait pas de son fait. Me Pierret enfonce le clou. Il reproche aux deux prévenus du premier procès Bommeleeër d’être responsables de la situation de son client. Et de la leur, pas les prévenus auxquels ils réclament des dommages et intérêts faramineux. «S’ils n’avaient pas posé des bombes, nous ne serions pas ici. Ils se sont rendus coupables avec leur comportement suspect en 2007.»
Une expertise du BKA allemand (le service fédéral de la police allemande dédié à la criminalité) a conclu à la piste de l’« insider ». Au moins un poseur de bombes devait être issu de la brigade mobile de la gendarmerie. L’humour particulier de deux de ses anciens membres leur a valu d’être inculpés notamment de tentative d’assassinat et d’incendie criminel. Le duo n’aurait pas immédiatement pris conscience du sérieux de la situation lors d’auditions dans le cadre de l’enquête et aurait attiré toute l’attention sur lui.
Ajoutez à cela des coïncidences troublantes et vous fabriquez le parfait inculpé : Jos Wilmes construisait des bombes à confetti pendant son temps libre, utilisant des pinces à linge comme dispositif d’allumage, et Marc Scheer manipulait comme personne les minuteurs pour cuire les œufs. Or pinces à linge et minuteurs ont été utilisés lors des fameux attentats.
Comme Mes Assa et Wies lundi et sans doute comme certainement Mes Harpes et Entringer cet après-midi, Me Pierret a joué la carte de la mémoire et de ses différentes facettes, démontrant à son tour qu’elle pouvait parfois être trompeuse – surtout 40 ans après les faits – ou influençable. Elle peut aussi être plus vive qu’il n’y paraît, mais si elle l’avait été, il n’y aurait pas eu de procès bis.
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