Pour Laurence Mortier, chargée de direction du service HIV Berodung de la Croix-Rouge, la mobilisation contre le VIH a diminué dans le pays.
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, la Croix-Rouge a mené ce lundi des actions de sensibilisation, prévention et dépistage. Laurence Mortier, chargée de direction du service HIV Berodung de la Croix-Rouge luxembourgeoise, revient sur l’importance de la sensibilisation autour de ce sujet, toujours tabou au Luxembourg.
D’après les dernières données du ministère de la Santé, le Luxembourg a enregistré en 2024 une diminution encourageante du nombre de nouveaux cas de VIH diagnostiqués, avec 39 infections, contre 55 en 2023. Comment l’explique-t-on ?
Laurence Mortier : Il y a toujours trop d’infections, mais il y a effectivement un recul depuis deux ans. C’est difficile de trouver une explication. On peut dire que la prévention fonctionne bien et que les personnes n’ont pas pris de risques et se sont bien protégées. L’autre hypothèse est l’arrivée du traitement préventif contre le VIH, le PrEP, en Europe. Enfin, la troisième explication est peut-être liée au manque de dépistages. Si les personnes en font moins, il y a forcément moins de données (…). Mais ces chiffres, certes encourageants, ne signifient pas que l’année prochaine nous aurons une nouvelle baisse des cas.
Les jeunes sont-ils particulièrement touchés par le VIH ?
Oui, et c’est quelque chose d’assez frappant. Il est difficile de savoir pourquoi les jeunes sont davantage touchés. Je ne pense pas qu’ils fassent moins attention, car d’autres chiffres montrent aussi une augmentation chez les plus de 35 ans. Il y a sans doute un manque d’information chez la jeune génération. Pour autant, nous continuons à nous rendre dans les lycées pour parler du VIH. Je trouve que dans le passé cette sensibilisation était différente. Lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida, on nous répétait le nombre de personnes décédées du VIH. On voyait des images choquantes de malades. C’était impressionnant et ça marquait les esprits.
Avec environ 96 % des personnes séropositives diagnostiquées, le pays affiche de bons résultats. Néanmoins, une proportion de 12 à 13 % d’entre elles ne suit aucun traitement ou ne le suit pas de manière efficace.
On estime que dans le pays, cela représente un peu plus de 60 personnes. Ce sont des estimations, des calculs qui sont faits avec des outils de modélisation. Et ceux qui ne sont pas diagnostiqués vivent avec le virus sans le savoir et peuvent très facilement contaminer d’autres personnes. D’où la nécessité du dépistage. Chaque année, environ 700 personnes se font dépister à la Croix-Rouge. Il faut aussi rappeler que l’absence de traitement entraîne de graves complications, très souvent mortelles.
Dans le parcours d’une personne séropositive, le soutien psychologique est aussi primordial.
Quand on apprend que l’on est atteint du VIH, c’est un véritable choc. Il y a des personnes qui le vivent mieux que d’autres, mais cela reste quand même un bouleversement dans une vie. Recevoir un diagnostic de VIH même en 2025 signifie prendre des médicaments à vie, aller au minimum deux fois par mois effectuer une prise de sang, consulter son médecin pour vérifier l’évolution de son virus.
Et il y a une série de questions qui se posent lors de la pose du diagnostic : doit-on le dire à ses partenaires, à ses collègues, à son employeur? C’est pour cela que nous avons à la Croix-Rouge une équipe de psychologues pour soutenir ces personnes. C’est primordial, car je pense qu’il y a toujours un tabou autour de cette maladie. Les personnes qui ont le VIH ont toujours des craintes, la peur d’être discriminées ou stigmatisées.
La solidarité envers les personnes séropositives est-elle toujours intacte au Luxembourg ?
Depuis quelque temps, nous constatons qu’il n’y a plus vraiment cet élan de solidarité. Ce lundi, pour la Journée mondiale de lutte contre le sida, plusieurs personnes ont refusé de porter le ruban rouge. Des boutiques n’ont pas souhaité afficher le ruban sur leur vitrine en disant que c’était trop compliqué. Alors que les autres années, elles le faisaient sans problème. Nous n’avons pas les explications, mais forcément ce sont des choses qui nous interpellent et nous questionnent, ici, au Luxembourg.