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Premier et dernier

Les statistiques d’Eurostat sur les dépenses de santé viennent de tomber, et elles offrent une lecture plutôt… intéressante des paradoxes luxembourgeois. Laissez-moi vous expliquer. Avec 6 888 euros par habitant consacrés à la santé en 2023, le Grand-Duché trône au sommet du classement européen, distançant largement l’Irlande et le Danemark. Un chiffre sept fois supérieur à celui de la Roumanie, qui ferme la marche à 972 euros. De quoi bomber le torse et célébrer la générosité du Luxembourg en matière de santé publique.

Sauf que la réalité est plus… nuancée. Car si l’on observe le même tableau, sous l’angle du pourcentage du PIB, le Luxembourg se retrouve soudainement bon dernier, à égalité avec… la Roumanie, justement. Seulement 5,7 % du PIB est actuellement consacré à la santé dans le pays, là où l’Allemagne et la France investissent respectivement 11,7 % et 11,5 % de leur richesse nationale.

Alors quoi ? Est-ce un tour de passe-passe comptable ? Pas vraiment. Cette étude révèle surtout que le Luxembourg dispose d’un PIB par habitant qui fausse toutes les comparaisons européennes. Il n’est pas plus vertueux que ses voisins en matière de santé, il est simplement… plus riche. Et cette richesse, largement alimentée par la place financière et les milliers de frontaliers qui gonflent le PIB (sans réellement peser sur les dépenses de santé, ou si peu), crée une distorsion permanente dans les statistiques européennes.

La vraie question derrière ces chiffres n’est donc pas de savoir si le Luxembourg dépense beaucoup ou peu pour sa santé. Elle est de déterminer si ces 6 888 euros par habitant se traduisent effectivement par une qualité de soins supérieure, des délais d’attente réduits, un accès équitable aux traitements… Les chiffres bruts ne disent rien de l’efficacité réelle du système. Et, de vous à moi, je pense que nous connaissons ici la vraie réponse.

Ces statistiques nous rappellent surtout qu’il faut se méfier des classements trop simples. Entre le premier et le dernier, il n’y a parfois qu’une question de perspective. N’oublions pas que derrière les moyennes se cachent toujours des réalités humaines complexes, que les tableaux Excel peinent à saisir.