Après l’incendie qui a fait 128 morts à Hong Kong, plusieurs habitants ont demandé des comptes aux autorités et réclamé une enquête indépendante. Une contestation qui n’a pas plu au pouvoir chinois.
Posté devant une gare très fréquentée de Hong Kong, l’étudiant Miles Kwan appelait à demander des comptes pour le terrible incendie qui a fait 128 morts cette semaine. Avant d’être, selon les médias locaux, arrêté par la police. L’AFP avait rencontré le jeune homme de 24 ans vendredi, alors qu’il distribuait des tracts réclamant une enquête indépendante sur le drame. «Nous sommes tous mécontents qu'(Hong Kong) en soit arrivée là, et nous voulons que les choses s’améliorent», lançait Miles Kwan, dénonçant un système «truffé de failles».
Lui et d’autres organisateurs avaient regroupé leurs exigences dans une pétition en ligne, recueillant plus de 10 000 signatures en moins d’une journée. Mais samedi soir, les médias locaux ont rapporté que l’étudiant avait été arrêté pour des soupçons de sédition, et la pétition supprimée. La police a refusé de confirmer, se bornant à dire qu’elle «prendrait des mesures en fonction des circonstances réelles et conformément à la loi». L’AFP a tenté à plusieurs reprises de joindre Miles Kwan dimanche, sans succès.
Un temps foyer de militantisme politique, Hong Kong a vu Pékin serrer la vis en 2020 par le biais d’une loi de sécurité nationale stricte, alors en réponse aux manifestations pro-démocratie, parfois violentes, dans la région spéciale chinoise. L’étudiant aurait été arrêté peu après que les services de Pékin à Hong Kong ont publiquement fustigé des «forces anti-Chine», les accusant d’avoir «encouragé la division sociale et attisé la haine contre les autorités». Interrogé vendredi sur la possibilité qu’il soit arrêté, Miles Kwan affirmait avoir des revendications «très basiques». «Si ces idées sont jugées séditieuses ou „dépassent les limites“, alors je pense que je ne peux plus prédire les conséquences de quoi que ce soit, et je ne peux faire que ce en quoi je crois vraiment», avait-il ajouté.
«Ce n’est pas seulement un accident»
Le jeune homme et les quelques autres militants présents ce soir-là avaient quatre demandes principales: que le gouvernement prenne ses responsabilités, l’ouverture d’une enquête indépendante pour corruption éventuelle, le relogement décent des habitants, et que les normes de surveillance des travaux de construction soient réexaminées. Miles Kwan s’est dit convaincu que l’incendie n’était «pas un accident», mais une catastrophe d’origine humaine.
Le feu s’était déclaré mercredi après-midi dans un complexe résidentiel du nord de la ville, dévorant huit immeubles bardés d’échafaudages en bambou. Il s’agit de l’incendie d’immeuble le plus meurtrier dans le monde depuis 1980. Les autorités ont arrêté 11 personnes en lien avec les faits. Mais jusque-là, la ville n’a annoncé que la création d’un groupe de travail pour faire la lumière sur les événements, bien loin des anciennes commissions d’enquête héritées du système britannique.
Face à la colère populaire, le Royaume-Uni avait notamment ouvert une enquête publique après le grave incendie de la tour Grenfell en 2017. L’avocat Imran Khan, qui avait alors représenté proches en deuil et survivants, a déclaré que les «leçons tirées de Grenfell s’appliquent dans le monde entier», les gouvernements se trouvant obligés d’assurer la sécurité des bâtiments d’habitation. Selon lui, cette option est la meilleure, car une «enquête interne ne permettra pas de découvrir la vérité et ne sera pas crédible aux yeux des familles de victimes, des survivants et des résidents».
Vendredi à la gare de Hong Kong, de nombreux passants ont pris les tracts tendus par le groupe de Miles Kwan, même si peu se sont arrêtés pour parler. Dans un parc près du lieu de l’incendie, s’étirait une longue file de personnes venues rendre hommage aux victimes, avec des fleurs ou des messages. «Ce n’est pas seulement un accident, c’est le fruit vil d’un système injuste qui s’est abattu sur vous. Ce n’est pas juste», dit l’un de ces mots, laissé au sol.