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Frelons asiatiques : les apiculteurs «seuls» face à leur prolifération


Lorsqu’un nid de frelons se trouve en hauteur, les apiculteurs ne peuvent pas le retirer.

Face à la prolifération rapide des frelons asiatiques, les apiculteurs sont en première ligne. Ils déplorent un manque de stratégie nationale pour stabiliser la situation.

Il y a quelques semaines, le CGDIS avait mené une intervention spectaculaire pour retirer un imposant nid de frelons asiatiques qui s’était logé en haut de la flèche du clocher de l’abbaye de Neumünster. Loin d’être le seul nid au Luxembourg, il est pourtant l’un des rares à être retirés par les autorités publiques. Pour cause : leur nombre augmente et ne peut plus être maîtrisé. Alexandra Arendt, apicultrice à Dommeldange et présidente de la Fédération des unions d’apiculteurs du Grand-Duché de Luxembourg (FUAL), fait le point sur la situation, qui impacte grandement les apiculteurs.

Comment le Luxembourg est-il touché par les nids de frelons ?

Alexandra Arendt : Cela a démarré doucement en 2020. En 2024, nous avions recensé 124 nids. Et cette année, nous ne sommes plus capables de tous les maîtriser et les enlever. Au début, les zones les plus touchées étaient surtout le centre du Luxembourg, notamment autour de la capitale. Mais maintenant, c’est partout : de la Moselle au Sud, et même dans le Nord avec des observations moins régulières. Donc à peu près tout le pays.

Il y a une application pour observer et enregistrer les présences de nids. Depuis 2020, 650 observations ont été validées et plus de 400 juste pour 2025. C’est énorme, et cela va encore augmenter comme c’est une espèce qui se répand rapidement.

C’est une situation négative pour les apiculteurs. Ils sont les plus touchés et se sentent seuls et dépassés face à cette problématique. En 2024, nous avons perdu 200 ruches, ce qui représente 3 % du cheptel… Et cette année, nous comptons 10 %, si ce n’est plus, de perte à cause des attaques régulières qui rendent les ruches plus faibles. Cela a un impact économique pour les apiculteurs professionnels, mais aussi un impact sentimental pour les amateurs dont c’est le hobby.

Selon vous, qu’est-ce qui explique leur prolifération ?

Le cadre convient tout à fait à l’espèce. Les frelons trouvent suffisamment de nourriture pour proliférer. Ils se nourrissent d’insectes, majoritairement d’abeilles, donc ils nuisent à la biodiversité. Et puis, le changement climatique est favorable à la prolifération de l’espèce, car les frelons volent aussi longtemps que les températures restent au-dessus de 10 °C. Si les saisons étaient plus froides, ce ne serait pas aussi favorable.

Concrètement, comment les frelons attaquent les abeilles ?

Ils se positionnent devant les ruches et mangent les abeilles qui y entrent. Plus tard dans la saison, ils essayent même d’entrer dans les ruches. Il y a un décalage entre les abeilles mellifères et les frelons. Elles volent au printemps, alors qu’à cette période les reines frelons construisent leurs nids. Donc c’est plutôt à partir du mois d’août que les attaques commencent.

Comment peut-on limiter leur présence ?

Le mieux serait d’enlever les nids en août ou en septembre, avant que les nouvelles reines ne partent hiberner et ne reviennent encore plus nombreuses la saison suivante. Dans le même sens, c’est important de capturer les reines au début du printemps quand elles installent leur nid primordial. Cela permet de réduire la pression.

Tous les nids qu’on laisse vont se démultiplier

Quelles solutions ont les apiculteurs pour protéger leurs ruches ?

Pour se protéger, les apiculteurs mettent des muselières devant les ruches afin d’en réduire l’entrée. Mais les muselières sont effectives seulement lorsqu’il y a moins de cinq frelons qui circulent devant. S’il y en a plus que ça, les abeilles ne sortent plus du tout et n’arrivent plus à nourrir leurs larves. Le risque, c’est donc aussi que les abeilles à l’intérieur des ruches s’affaiblissent et ne passent pas l’hiver.

Quelles mesures sont mises en place au niveau national ?

C’est une problématique bien connue depuis trois ans maintenant. Le ministère de l’Environnement est obligé par des directives européennes de rédiger des plans d’action sur les espèces invasives. Donc un plan a été érigé pour la période 2017-2021… Sauf que c’était une période où nous n’avions pas encore beaucoup de problèmes, alors on s’était inspiré des pays voisins. Il faudrait désormais vraiment affiner ce projet.

Qu’est-ce qui pose problème ?

Le plan d’action contient pas mal d’informations qui pourraient être appliquées, mais qui ne le sont pas. Par exemple : le simple fait d’enlever les nids. On s’est rendu compte que cela dépasse les capacités. Mais on ne peut pas d’un côté demander aux citoyens de partager des photos des nids qu’ils voient si de l’autre côté on leur dit qu’on ne peut plus les enlever, surtout pas sur les terrains privés. Ce n’est pas une stratégie. Tous les nids qu’on laisse vont se démultiplier.

Le nid sur le clocher de l’abbaye de Neumünster avait été enlevé, car c’est un nid que tout le monde voyait… Mais partout ailleurs et dans les terrains privés, ils ne sont pas enlevés. Donc les apiculteurs sont souvent sollicités pour le faire. Ils soutiennent les gens quand des nids sont installés à des hauteurs où ils peuvent être retirés. Mais à partir du moment où un nid se trouve dans un arbre à 20 mètres de hauteur, il faut faire appel à une entreprise privée et payer la facture pour l’enlever.

Quelles actions prioritaires faudrait-il mettre en place ?

Il faudrait enlever un maximum de nids pour stabiliser la situation. Je pense qu’il y a aussi de plus en plus de communes touchées par le problème, donc il faut vraiment développer des stratégies le plus vite possible, qui respectent aussi l’environnement. Le mieux serait de créer un réseau avec différents acteurs – administration de la Nature et des Forêts, ministère de l’Agriculture et les apiculteurs qui sont les seuls à s’intéresser à cette espèce.

Et en parallèle, il faut former et informer les citoyens. Actuellement, il n’y a aucune communication avec eux, ce qui les frustre et les entraîne à faire n’importe quoi. C’est important de bien communiquer pour que les gens sachent à qui s’adresser et quoi faire. Cela rendra les choses plus simples.

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