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Procès Bommeleeër bis : un secret bien gardé


Pierre Reuland (à d.) en pleine discussion avec Guillaume Büchle avant l’audience (Photo : hervé montaigu)

Qui savait quoi ? Pierre Reuland donne l’impression d’en savoir plus que d’autres et donc d’avoir plus de choses à cacher. Trente-trois faits de faux témoignages lui sont reprochés dans ce procès bis.

Tous ont mené des carrières exemplaires au sein des forces de l’ordre avec des états de service excellents. Les accusations de faux témoignages dans le cadre du procès Bommeleeër viennent les entacher. Les six prévenus se sont à tel point noyés dans les contradictions à la barre de la chambre criminelle que le procès a dû être interrompu pour donner lieu, onze ans plus tard, au procès qui occupe depuis une semaine la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Les enquêteurs du groupe d’enquête spécial ont présenté leurs conclusions au cours des cinq dernières audiences. Hier, c’était aux incohérences, aux silences et aux propos litigieux de Guy Stebens et de Pierre Reuland d’être passés en revue.

Parmi les pistes envisagées par les forces de l’ordre, la piste interne semble l’une des plus probables. Un profil de l’auteur présumé qui devait avoir des connaissances paramilitaires, entre autres, l’appuie. Pourtant, à l’époque des attentats, personne dans les rangs de la gendarmerie et de la police ne paraît pressé de la creuser. Guy Stebens le justifie par un manque de moyens. Ce qui semble peu probable à l’enquêteur. «Identifier la taupe aurait dû être une priorité.»

Dans les rangs des forces de l’ordre, on n’y croyait pas, rapporte l’enquêteur, même si le nom de Ben Geiben y aurait très tôt circulé à l’époque. Là aussi, la piste a été abandonnée après des observations au Luxembourg et à l’étranger.

Les enquêteurs creusent

L’affaire est une nébuleuse, un puzzle en plusieurs dimensions dont quelqu’un doit forcément avoir la clé. Depuis 40 ans, les pistes et les hypothèses se sont enchaînées, mais la vérité, si on s’en est peut-être fortement approché, reste un secret bien gardé. Seuls les deux présumés poseurs de bombes, les gendarmes Wilmes et Scheer, se sont mouillés.

Qui trempe avec eux ? D’audition en audition, de la police au tribunal en passant par le juge d’instruction, les versions changent, les souvenirs reviennent ou disparaissent. Guy Stebens aurait prétendu ne pas s’être suffisamment préparé aux auditions avec les enquêteurs ou n’avoir eu connaissance de certains éléments qu’au moment du procès ou à la suite des recherches.

«Il assure ne plus s’être intéressé à la piste Ben Geiben», note l’enquêteur. «L’observation de Ben Geiben apparaît pourtant comme un élément clé de l’enquête et il semble que ce qui en est sorti ne devait pas être su.» Peut-être la solution de l’affaire. Idem en ce qui concerne l’attentat du palais de justice.

La clé de l’énigme Bommeleeër est peut-être détenue par Pierre Reuland. Il l’aurait laissé entendre lors d’un entretien avec le substitut Robert Welter – qui a pris des notes – notamment, avant de revenir sur ses propos. Il n’y avait, selon lui, pas qu’un Bommeleeër, mais plusieurs, et il faudrait chercher «haut, très haut, mais pas aussi haut que le Grand-Duc», rapporte une enquêtrice qui insinue que le directeur général de la police a pu faire des menaces à peines voilées aux enquêteurs et mettre des bâtons dans les roues du groupe d’enquête. «Vous creuserez jusqu’à un certain point et puis, ce sera fini.» Une question d’interprétation.

Pour l’enquêtrice, Pierre Reuland ne serait pas à une contradiction près sur plusieurs points de l’affaire dont, on s’en doutait, tout ce qui touche Ben Geiben de près ou de loin. Elle met ses affirmations lors de l’instruction du procès principal en opposition avec celles de Guy Stebens et d’autres témoins qui en ont contredit certaines.

Selon elle, Pierre Reuland «n’avait d’autre raison d’abandonner la piste Geiben après l’attentat du palais de justice que celle d’avoir identifié les Bommeleeër». «Il ne répond sciemment pas», avance-t-elle, supposant que l’ancien commandant de la brigade mobile faisait de la rétention d’information. Me Assa, l’avocat du prévenu, accuse la policière de s’être livrée «à un réquisitoire à charge» au lieu «d’une enquête objective».

Un deuxième enquêteur en remet une couche en matière de rétropédalages et de certitudes de l’ancien directeur général de la police. Ce dernier sera entendu à la barre dans les deux prochains jours.

 

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