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«Luxemburden» : quand la pauvreté au Luxembourg interpelle à l’étranger


David vivait dans un garage quand Jef Van den Bossche l’a rencontré. Depuis, il habite à nouveau avec sa famille.

Surpris par l’augmentation de la pauvreté dans le riche Grand-Duché, un photographe belge est allé à la rencontre des précaires.

Vous venez de réaliser une série de photographies en collaboration avec la Stëmm vun der Strooss. Pouvez-vous vous présenter?

Jef Van den Bossche : J’habite à Bruxelles, j’ai 32 ans. Je suis un photographe indépendant, je collabore avec des journaux et je travaille aussi comme photographe documentaire. Depuis deux mois, je donne des cours dans une école secondaire. « Luxemburden » est ma première série pour un autre pays que la Belgique.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de venir documenter la précarité au Luxembourg?

C’était il y a une dizaine de mois, je sortais d’une faillite et je cherchais un nouveau projet. Je suis tombé sur un article qui expliquait qu’une toute petite partie de la population possède une grande partie du terrain constructible au Luxembourg.

J’ai fait des recherches sur internet et appris, un peu surpris, que la pauvreté augmentait au Luxembourg. Par la suite, j’ai regardé un documentaire allemand intitulé Pauvre et sans-abri dans un pays riche dans lequel la directrice de la Stëmm, Alexandra Oxacelay, intervenait.

Là, je me suis dit : « Pourquoi est-ce que je ne la contacterais pas? » Elle m’a répondu très vite, dans les heures ou le jour qui ont suivi, en me disant que j’étais le bienvenu. C’est comme ça que le premier contact s’est fait.

Comment avez-vous travaillé avec la Stëmm vun der Strooss et avec les personnes photographiées?

Je suis allé dans le restaurant de la Stëmm à Luxembourg. Alexandra m’a présenté des personnes. Je parlais alors avec elles et leur demandais si je pouvais faire un petit entretien puis les prendre en photo là où ils allaient ensuite. Parfois je les rejoignais où elles vivent.

J’ai par exemple rendu visite à un couple de sexagénaires luxembourgeois qui a dû déménager dans un village en Allemagne parce que leur pension ne leur permettait plus de payer un loyer au Grand-Duché. Ils prennent le bus chaque midi pour venir manger à la Stëmm. En tout, je suis venu plusieurs fois entre le printemps et l’automne pour sept ou huit jours de travail.

Qu’est-ce que ces séjours vous ont appris sur Luxembourg?

Que le problème est à la fois très grand et très visible. Je connaissais la ville uniquement comme touriste. Ce projet m’a permis de la découvrir d’une manière totalement différente, en allant à la rencontre de personnes et de réalités que l’on ne voit pas quand on est simplement de passage.

Une grande partie de mes photos sont prises dans le quartier Gare, où la précarité saute aux yeux. Il y a également un problème important avec les drogues, comme dans beaucoup de grandes villes. J’ai vu aussi des tentes sous des ponts.

Je suis allé voir une personne qui vivait dans un garage, d’autres dans la rue. Alexandra m’a dit qu’il y a de plus en plus de travailleurs pauvres. Pour moi, c’est difficile à comprendre, parce qu’au Luxembourg, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de budget pour aider les gens.

Quand on photographie des personnes sans abri ou en grande précarité, ne risque-t-on pas de se sentir voyeur?

C’est une question que je me pose tout le temps. Pour moi, c’est essentiel que les personnes voient les images et aient un droit de regard. Je leur montre les photos, je fais des tirages. Si quelqu’un me dit qu’il n’aime pas une photo, je ne l’utilise pas.

Quand il y a de la drogue ou des situations très sensibles, je ne montre jamais le visage. J’ai rencontré un homme qui vient du Panama. Il vit dans la rue, mais sa famille ignore sa situation. On a travaillé tous les deux pour faire un portrait sans visage.

Des rencontres vous ont-elles marqué plus particulièrement?

Oui. Il y a un homme polonais que je retrouve presque chaque fois au skatepark de Hollerich. Tout le monde le connaît, les managers du skatepark lavent même ses vêtements. Il est toujours très content de voir les nouvelles photos.

C’est vraiment une personne fantastique. Et puis il y a ce couple qui a déménagé en Allemagne, ils m’ont invité chez eux, le mari m’a chanté de vieilles chansons. En tout, j’ai dû suivre 10 à 15 personnes, avec des profils vraiment différents : des Luxembourgeois, des Belges, des Rwandais…

Votre série s’intitule « Luxemburden ». Que signifie ce titre?

C’est un titre en anglais, burden ça veut dire le fardeau. Cela résume ce paradoxe d’un pays riche, perçu à l’étranger comme un pays de luxe, mais où des personnes sont précaires.

Que vont devenir ces photos?

L’objectif, c’est qu’elles soient vues. J’aimerais qu’elles soient exposées. J’ai prévu de revenir en décembre pour participer à un évènement de la Stëmm, faire quelque chose de spécial comme une espèce de studio et redonner des photos aux gens.

Le plus important pour moi, c’est de documenter et publier dans différents journaux. C’est la méthode la plus facile pour expliquer ce qui se passe au Luxembourg. Et donner un visage à des gens qui sont dans des difficultés financières.

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