Le Dudelangeois Michel Scheuer détient une impressionnante collection d’objets anciens. Parmi eux, 8 000 cartes postales qu’il étudie et partage sur Facebook par amour pour l’histoire nationale.
Quand on pénètre dans l’appartement de Michel Scheuer à Dudelange, sa passion pour la collection saute aux yeux. À peine la porte d’entrée franchie, un petit musée se dévoile avec un poêle en fonte du XXe siècle, une vitrine de fossiles, un téléphone mural en bois centenaire, un tableau de Diekirch datant de 1960 et une belle ligne de casques d’ouvriers de l’Arbed. «Je suis passionné par l’histoire et surtout celle du Luxembourg», prévient notre hôte, comme si sa décoration ne le disait pas déjà.
Le salon est aussi réquisitionné. Des bouteilles en verre de bières du siècle dernier trônent sur les étagères, entourées de posters vintage, d’appareils photos argentiques et d’objets en tout genre. «Ma plus belle pièce, c’est ce bougeoir rare de l’ancien l’Hôtel Staar, qui était au coin de l’avenue de la Gare à Luxembourg. Il date d’environ 1900», présente fièrement Michel Scheuer. Le cœur de sa collection se trouve néanmoins ailleurs, dans sa bibliothèque. Elle abrite un petit trésor : près de 8 000 cartes postales illustrant l’histoire du Grand-Duché.
Collectionneur de père en fils
«Tout a commencé par mon grand-père, qui avait déjà une collection de cartes postales. Je l’ai reprise et je l’ai complétée en allant dans les brocantes tous les week-ends», raconte le natif de la Forge du Sud. Cette fièvre collectionneuse est un héritage familial, puisque son père en est tout aussi piqué, à la différence près qu’il se consacre uniquement aux pièces de monnaie. «Comme ça, il n’y a pas de dispute à la brocante si l’on y trouve quelque chose», plaisante Michel Scheuer.
Cet amour pour le Luxembourg d’antan et l’envie d’être archéologue plus jeune n’ont pourtant pas déterminé son devenir professionnel. Le collectionneur de la troisième génération est, en effet, devenu infirmier et effectue des soins à domicile. Il consacre donc une bonne partie de son temps libre à cette passion qu’il a gardée privée jusqu’à la pandémie de covid. «J’avais tellement de temps libre pendant le confinement que j’ai eu l’idée de lancer une page Facebook pour partager les anciennes cartes et échanger avec les gens.»
C’est ainsi que la page «Zäitrees duerch Lëtzebuerg» (Voyage dans le temps à travers le Luxembourg) voit le jour en mars 2021. Elle cumule aujourd’hui près de 7 500 abonnés. Tous les trois jours, l’infirmier prend le temps de publier l’une de ses cartes postales, accompagnée d’un court article sur le contexte de la photo.
Outre le travail d’archivage considérable afin de stocker et scanner les milliers de cartes postales, la page Facebook nécessite aussi d’effectuer des recherches d’historien. «Ce n’est pas comme les pièces de monnaie, qui sont cataloguées, donc parfois je cherche plus d’une semaine afin de savoir d’où vient une carte postale.»
«Pourquoi ne pas faire une exposition ?»
Sur le fil de la page Facebook, les clichés en noir et blanc s’enchaînent et ne se ressemblent pas. Parmi les dernières photos, on retrouve un soldat américain lors de la libération de la capitale en 1944, le centre-ville de Differdange en pleine expansion au début du XXe siècle, une exposition d’avions de chasse à Merl en 1911 ou encore la collision entre un train et un tramway dans la Ville-Haute en 1919.
Michel Scheuer confie avoir une préférence pour «les cartes de Dudelange et de l’industrie, parce que j’y habite et que c’est l’histoire de ma famille, mes grands-pères ayant travaillé à la Schmelz». Le collectionneur s’attache à transmettre l’héritage de ses aïeux et profite d’ailleurs de son poste au sein du foyer de jour de la Verbandskëscht pour récolter des témoignages sur cette époque révolue : «Certaines choses que me disent mes patients entrent dans les publications».
Au travail, l’échange va dans les deux sens, puisque les cartes postales sont utilisées lors d’ateliers destinés à des personnes atteintes de démence afin de faire remonter leurs souvenirs et de provoquer une réaction. «La première fois, j’ai montré des photos d’Esch à une personne très touchée par la démence et elle a reconnu la rue de l’Alzette», s’émerveille encore l’infirmier.
Les cartes postales du Dudelangeois, si elles ne sont pas mises à profit pour alimenter ces ateliers ou partagées sur Facebook, restent au chaud dans la bibliothèque, mais leur propriétaire n’exclut pas de leur accorder une plus grande vitrine. «Même si, avec le travail, ce sera difficile, pourquoi ne pas faire une exposition ou un livre un jour ?», glisse Michel Scheuer.
Afin d’alimenter sa collection, Michel Scheuer n’hésite pas à mettre la main à la poche. L’infirmier de profession a déjà déboursé 200 euros afin d’acquérir une carte postale illustrant la kermesse de Dudelange en 1990. Un prix qui se justifie par sa rareté. Celle-ci lui aura d’ailleurs valu d’être contacté par un historien souhaitant étudier la photo.