Il l’aimait, mais a accepté de mutiler son corps pour ne pas dénoncer son neveu qu’il accuse du meurtre de Diana. Said se serait trouvé face à un dilemme dans une énième version du crime.
Un tronc féminin, une tête décapitée et deux mollets avec des pieds au bout ont été retrouvés dispersés à travers toute la Grande Région en septembre 2022. Leur découverte a laissé entrevoir un crime digne d’un thriller. L’enquête a révélé que ces parties de corps appartenaient à Diana, une ressortissante portugaise de 40 ans résidant à Diekirch. En ce qui concerne l’auteur de ce crime, la police penchait entre un oncle et son neveu avant de comprendre que l’oncle avait peut-être plus à se reprocher qu’il ne voulait bien l’avouer.
L’enquêteur principal a soulevé les nombreuses contradictions de Said lors de ses sept auditions et ses efforts pour dérouter les policiers. Il s’avère que l’homme d’origine marocaine aurait été éperdument amoureux de Diana et n’aurait pas supporté ses projets d’avenir avec un autre homme. Pour brouiller les pistes, il avait accusé son neveu, Gibran, qui avait contracté un mariage blanc avec la jeune femme. L’implication de Said se serait limitée à aider son neveu à démembrer le corps.
Ses versions ont changé d’un interrogatoire à l’autre. Ses imprécisions sont suspectes. Son neveu, Gibran, ne se serait trouvé que trois minutes au domicile de la victime le jour du crime. «Ils sont les seuls suspects des faits. La jalousie de Said est le mobile du crime. Elle a été éveillée par la visite de Pedro (NDLR : avec qui elle avait entretenu une relation)», conclut l’enquêteur principal. «Diana n’a plus donné signe de vie après 14 h 05.» À 13 h 34, elle donnait rendez-vous à son nouvel amoureux dans l’après-midi. Diana aurait été tuée entre 14 h 08 à l’arrivée de Said et 14 h 43 quand il repart avec son neveu arrivé sur les lieux à 14 h 22.
«Vous a-t-il dit la vérité ?»
Les images de vidéosurveillance ont joué un rôle déterminant dans l’enquête. Elles ont permis aux enquêteurs de reconstituer l’emploi du temps des deux suspects le jour du crime ainsi que leur implication. De même que la téléphonie. Said et Diana se contactaient tous les jours jusqu’au 18 septembre 2022, selon les relevés téléphoniques fournis par leur opérateur. Ensuite, plus rien. Leurs échanges par SMS ont disparu des smartphones du prévenu et de sa victime présumée. Said aurait eu largement le temps de manipuler les appareils dans les jours qui ont suivi le crime. «Gibran avait fui au Maroc», note l’enquêteur.
Les rôles des protagonistes semblent s’être inversés au fil des constatations. Les autorités marocaines refusent de livrer Gibran au Luxembourg. Il avait dénoncé les faits depuis le Maroc une semaine après les faits, accusant son oncle. «Vous a-t-il dit la vérité?», interroge Me El Handouz, l’avocate de Said, qui sous-entend que Gibran pouvait mentir sur des éléments du dossier comme les menaces proférées par son oncle qui l’auraient poussé à quitter l’Europe. Il pourrait également mentir sur l’identité du tueur.
«J’ai décidé de l’aider»
«Je n’ai pas tué Diana. C’est Gibran qui l’a fait. Il l’a poignardée», lance à son tour Said. «J’ai décidé de l’aider.» Ses réponses deviennent moins claires quand il est confronté aux éléments objectifs du dossier par le président de la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Diekirch. «Comment expliquez-vous que si vous aviez des sentiments aussi forts pour Diana, vous avez pu la démembrer sans dénoncer le crime?», l’interroge le juge. «C’était elle ou lui. Elle était morte et il était comme mon fils. Il s’était coupé dans la main», répond le prévenu.
Il affirme que Diana aurait été poignardée dans le couloir de la maison alors que du sang a été trouvé dans la chambre à coucher. Le président lui pose et lui repose les mêmes questions en changeant d’angle d’attaque ou de formulation. Said botte en touche, accuse Gibran quand il ne sait quoi répondre, ne termine pas ses phrases, argumente mal, revient sur ses déclarations ou répond ce qu’il pense que le juge attend de lui. Le prévenu est mal à l’aise. Son attitude le condamne, malgré les zones d’ombre.
Said était «un peu triste»
Said déclare qu’une dispute aurait éclaté entre Gibran et Diana pour une question d’argent liée à leur mariage blanc. La victime devait recevoir une certaine somme d’argent en échange de ce service. Gibran ne lui aurait pas payé l’intégralité. «Diana était dans un état de somnolence, d’après les constatations du médecin légiste. Ce n’est pas compatible avec une dispute», affirme le représentant du parquet. Said répond qu’elle n’était pas du matin.
Diana a eu la gorge tranchée. Certainement dans la chambre à coucher maculée de sang et dont le lit était manquant à l’arrivée de la police. Said prétend en avoir fait don à une association caritative. Rien n’est moins sûr. Interrogé sur ce qu’il a ressenti après le décès de Diana, il a répondu froidement s’être senti «un peu triste». Une réponse étonnante de la part d’un homme qui la couvrait de cœurs et de fleurs sur les réseaux sociaux et lui envoyait des poèmes enflammés à celle qu’il appelait «mon âme».
Le procès se poursuit vendredi prochain avec le réquisitoire du parquet et la plaidoirie de la défense.