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Les PFAS expliqués au centre Oekozenter Pafendall 


Kildine Le Proux de La Rivière a vulgarisé un sujet complexe. (photo Hervé Montaigu)

Le Méco a invité la chimiste et docteure en pharmacie Kildine Le Proux de la Rivière à partager ses connaissances sur les «polluants éternels».

Jeudi soir, au centre Oekozenter Pafendall à Luxembourg, la salle de conférences a accueilli Kildine Le Proux de la Rivière, de l’association Générations futures. Cette chimiste française a détaillé devant un public attentif comment les PFAS, ces fameux «polluants éternels», se retrouvent dans notre quotidien. Une prise de parole en lien avec la parution prochaine des analyses sur les PFAS dans les denrées alimentaires menées par le Mouvement écologique (Méco).

Kildine Le Proux de la Rivière a commencé par expliquer ce qu’étaient précisément les PFAS, ces substances synthétiques per- et polyfluoroalkylées, utilisées depuis les années 1950 dans l’industrie. «Il faut vraiment comprendre qu’ils ne sont pas une famille homogène», mais ont tous une liaison de carbone saturée en fluor qui les rend résistants à la chaleur, au feu, à la graisse et à l’eau. Des molécules idéales pour fabriquer des textiles et revêtements antitaches, des cosmétiques, des joints d’étanchéité, des mousses anti-incendie, du gaz pour les climatisations, des polymères mais aussi des pesticides. En Europe, des centaines de milliers de tonnes de PFAS sont utilisées chaque année.

L’alimentation, première voie d’exposition

«Cette liaison carbone-fluor est hyper-stable. C’est précisément pour ça qu’on les a fabriqués… et c’est exactement ce qui pose problème aujourd’hui», a résumé la conférencière. Une fois disséminés dans l’environnement, les PFAS ne disparaissent pas et finissent dans la chaîne alimentaire. «La seule façon de casser vraiment la liaison carbone-fluor, c’est de monter à des températures de l’ordre de 1 400 °C. Or nos incinérateurs tournent plutôt autour de 850 °C, a rappelé Kildine Le Proux de la Rivière. Ainsi, quand on brûle des PFAS, on risque surtout d’en relarguer d’autres dans l’atmosphère.»

Pour la majorité des individus, l’alimentation est la première voie d’exposition. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fixé en 2020 une dose hebdomadaire tolérable de 4,4 nanogrammes par kilo de poids corporel pour la somme de quatre PFAS. Au-delà, le risque sanitaire augmente.

«Quand on regarde les limites actuelles dans les aliments, on voit que la réglementation ne protège pas vraiment par rapport à cette valeur de l’EFSA», a souligné Kildine Le Proux de la Rivière. Les seuils dans les poissons, viandes ou œufs ont été en effet fixés à partir de ce qui a été mesuré dans les échantillons. Au Luxembourg, 25 PFAS ont été analysés en 2023 dans 83 échantillons, «pas assez pour pouvoir vraiment interpréter les résultats», a constaté la chimiste.

Le TFA présent aussi dans l’eau

Générations futures a fait les calculs. Un adulte de 60 kg qui mange 500 g de bœuf au niveau maximal autorisé peut dépasser plus de deux fois et demie sa dose hebdomadaire d’un seul coup. «Un enfant de 4 ans, lui, juste avec un œuf, il a déjà pris une fois et demie sa dose pour la semaine», a précisé Kildine Le Proux de la Rivière. «Heureusement, tous les aliments ne sont pas au niveau maximal, a-t-elle nuancé. Mais cela montre à quel point notre cadre réglementaire est en retard sur les connaissances scientifiques.»

Une fois ingérés, ces composés se retrouvent dans le sang et dans les organes. En France, 100 % des adultes et enfants testés présentent des traces de PFAS. Les effets déjà documentés sur la santé par l’OMS concernent le foie, le cholestérol, la thyroïde, le système immunitaire des enfants et certains cancers – rein et testicules – tandis que le cancer du sein est de plus en plus étudié.

Et pas moyen de noyer ces constats dans le vin, ni dans l’eau potable. Les campagnes menées par Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) et le Méco montrent que le TFA (acide trifluoroacétique) est le plus présent dans l’eau du robinet, y compris dans les échantillons luxembourgeois. Ce petit PFAS, très soluble et très mobile, est issu de la dégradation de certains pesticides et fluides réfrigérants. Les associations écologiques aimeraient le voir pris en compte dans la directive de 2026 qui devrait fixer deux seuils.

Pas de solution miracle

Face à des molécules qu’on ne sait ni détruire proprement ni filtrer à grande échelle sans coûts énormes, la conclusion de la conférencière est sans appel : «La seule manière de vraiment arrêter cette contamination, c’est de ne plus en produire.» Certains États ont prévu un arrêt progressif, tandis que l’Europe planche sur une future «restriction universelle».

«Que peut-on faire en tant que consommateur ?», a demandé une auditrice à la fin de la conférence. Il n’y a pas de solution miracle, a répondu Kildine Le Proux de la Rivière. Boire de l’eau du robinet reste un bon choix, manger des produits issus de l’agriculture biologique aussi et choisir des alternatives aux produits traités aux PFAS. Mais l’essentiel se jouera dans les Parlements nationaux et européens et dans la capacité des pays à faire payer directement les pollueurs.

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