Pour la Chambre des métiers, le budget de l’État 2026 est un «tournant manqué» pour forger un Luxembourg «plus durable et compétitif». Des «choix courageux» s’imposeraient pour «redresser la barre».
Ce n’est pas une révolution qu’elle lance, mais la Chambre des métiers estime qu’il est nécessaire de débâtir, puis de reconstruire l’appareil étatique. «On doit bien négocier le virage qui se dresse devant nous. Nous devons sortir de notre zone de confort. Nous sommes entrés dans une autre ère budgétaire. La croissance ne va plus de soi», alerte le directeur général, Tom Wirion.
Hier matin, la chambre professionnelle a présenté son avis sur le projet de budget de l’État 2026, ficelé dans un contexte de «polycrises». «Avant 2020, les finances publiques étaient très saines. Les déficits sont restés limités, et il y a même eu des soldes positifs. Depuis le début de la polycrise, le gouvernement tente de limiter la casse en dépensant plus», analyse Max Urbany, l’économiste en chef de la Chambre des métiers.
Ce contexte de crise pèse sur la croissance économique. Le budget table sur une hausse du PIB de 2 %. «Si la croissance baissait de 0,5 point, le déficit cumulé de 7,2 milliards prévu sur la période 2026-2029 augmenterait à 10 milliards d’euros. La dette publique, qui se stabilise actuellement à 27 % du PIB, dépasserait alors le seuil des 30 %», met-il en garde.
Max Urbany constate que «les marges de manœuvre diminuent». «Malgré tout, on ne trouve aucune concession dans ce budget 2026. Il n’existe pas de stratégie pour définir où des épargnes seraient possibles. Nous allons toutefois devoir le faire pour nous préparer aux défis structurels du pays : le logement, la mobilité et la sécurité sociale», poursuit l’économiste, notant au passage que plusieurs gros postes budgétaires ne sont pas encore ancrés dans le plan pluriannuel : une enveloppe de 13 milliards d’euros sur dix ans pour atteindre un effort de défense de 5 % du revenu national brut (RNB) et la mise en place d’une classe d’impôt unique, qui aura un coût de 800 millions d’euros par an pour l’État.
Avec les «mesurettes» annoncées, notamment en ce qui concerne la réforme des pensions, la situation financière de la Sécurité sociale ne pourrait pas «être stabilisée durablement».
«Le Luxembourg et le gouvernement doivent redresser la barre, dans le domaine de la politique financière et pour bâtir un modèle de développement durable», renchérit Marc Gross, le directeur du département «Affaires publiques & Analyses». Il lance un appel «à tirer des leçons de la période actuelle de non-croissance. Pour maintenir l’attractivité du pays, il faut créer les conditions-cadres adéquates». Selon la Chambre des métiers, il faut s’orienter vers des «réformes structurelles pour la gestion budgétaire, de la sécurité sociale et de la fonction publique».
«L’attractivité tend à la baisse»
L’avis propose de restaurer la «rigueur et la responsabilisation budgétaires», avec une meilleure évaluation de l’impact des dépenses et une analyse de l’efficacité des dépenses effectuées. Le budget social très élevé n’est pas fondamentalement remis en question, mais il serait nécessaire de mener une politique plus ciblée. Au niveau de la fonction publique, il est proposé de réduire les dépenses via une digitalisation accrue et en introduisant une «gestion de la performance», accompagnée d’un plan de formation continue.
Les efforts du gouvernement pour diversifier l’économie en misant sur l’intelligence artificielle, la cryptomonnaie, les data, la technologie quantique et le spatial «sont louables». «Mais cette stratégie repose sur une base fragile. L’attractivité du Luxembourg tend à la baisse. Le problème du logement n’est toujours pas maîtrisé, il existe toujours des difficultés liées à la mobilité. Tout cela rend le pays moins intéressant, pour les frontaliers mais aussi les talents étrangers», prévient Max Urbany.
Le manque de main-d’œuvre qualifiée freinerait également la relance économique. «Qui va construire les centres de données, sachant que l’artisanat est confronté à une pénurie de main-d’œuvre ? Il est temps de développer une stratégie pour attirer des talents par secteur, avec en tête l’artisanat et la construction», suggère l’économiste.
Tom Wirion voit l’avis sur le budget 2026 comme une «feuille de route» qui doit avoir l’effet d’un «électrochoc». «Le Luxembourg doit impérativement renouer avec son esprit de réforme qui a fait sa force et non pas se complaire dans l’immobilisme», conclut la Chambre des métiers, exhortant le gouvernement à poser des «choix courageux».